La musique savante instrumentale s'est développée, en 300 ans, sur base de trois genres principaux : la symphonie, le quatuor à cordes et la sonate pour piano. A mesure que le temps a passé, seule la sonate s'est un peu essoufflée, certes pas au point d'avoir disparu mais quand même de s'être raréfiée, sauf en ex-URSS, volontiers conservatrice. Son schéma préétabli a été ressenti comme une contrainte par nombre de compositeurs de l'époque romantique qui ont préféré des formes plus libres (Nocturnes, ballades, préludes, études, ...). Cette désaffection fut particulièrement sensible en France : Fauré, Roussel, Debussy, Ravel et Messiaen n'ont pas contribué au genre.
A l'origine, le terme sonate (de l'italien, suonare, jouer) a désigné une pièce instrumentale, en opposition avec la cantate qui était chantée. Plusieurs instruments étaient éventuellement concernés (sonate a tre - ne pas confondre avec la sonate en trio qui se réfère au nombre de voix dans la conduite harmonique - , a quatro, a cinque, ...), ce qui n'est plus guère le cas depuis 250 ans à l'exception de la sonate en duo, pour piano et instrument (violon, violoncelle, alto, flûte, ...). Cette chronique n'aborde que la sonate pour piano seul.
Les sonates de Domenico Scarlatti (1685-1757), en fait des Essercizi selon l'appellation de leur auteur, ne comportaient qu'un seul mouvement et c'est resté le cas sous la plume du Padre Antonio Soler (1729-1783), celui-ci pas vraiment en avance sur son temps. Entre les deux, Baldassare Galuppi (1706-1785) a pratiqué une structure variable, allant de 1 à 4 mouvements. Cette émancipation formelle n'a cependant pas été accompagnée d'une évolution stylistique marquante, l'articulation du langage étant demeurée largement stéréotypée comme en témoignent ce tendre andante de la Sonate n°5 ou ce volubile (et répétitif) finale de la Sonate n°66 ( , extrait de l'intégrale des sonates, en cours chez Naxos). Au rayon des curiosités, connaissiez-vous les sonates fort plaisantes (n°4) du suédois Henrik Philip Johnsen (1717-1779), récemment exhumées par Bengt-Åke Lundin ? Quelques musiciens ont poursuivi (très) tardivement dans la voie tracée, écrivant des recueils d'importances variables, le piano(-forte) prenant ad libitum le relais du clavecin : Domenico Cimarosa (1749-1801) (32 Sonates) et Manuel Blasco De Nebra (1730-1784) (Sonate n° 1, extraite d'un très beau CD enregistré par Javier Perianes) ont compté parmi les maîtres d'un genre en pleine mutation.
La sonate, au sens moderne du terme, n'a décanté qu'à l'époque préclassique, sous l'impulsion de Carl Philip Emanuel Bach (1714-1788). Les récentes intégrales consacrées au compositeur font évidemment la part belle à sa centaine d'oeuvres, de nos jours indifféremment confiées au clavecin (Prussian Sonata n° 1) ou au piano (Sonate W55 n°4, Sonate W49 n°6). Le progrès est cette fois évident avec une gestion élaborée des silences, des rythmes (souvent brisés), des affects et des modulations. La liberté n'est cependant pas encore totale et un certain maniérisme demeure qui ne sera éradiqué qu'à la génération suivante.
C'est le classicisme viennois, représenté par Joseph Haydn (1732-1809) et Wolfgang Mozart (1756-1791), qui a fixé l'architecture de la sonate pour clavier en privilégiant une forme en trois mouvements (vif-lent-vif) (exceptionnellement en 2 et plus rarement en 4 mouvements, chez Haydn). Des variantes ont vu le jour ultérieurement, plus ou moins éloignées du modèle initial, tel l'opus 111 de Beethoven qui, limité à deux mouvements contrastés à l'extrême, incarne le point de rupture du genre. C'est indépendamment - et sans rapport véritable - qu'à la même époque est née l'expression "forme sonate" qui règle l'exposition et les reprises des thèmes d'une oeuvre (pas forcément une sonate) selon des successions prédéfinies, dont la plus simple est la structure A-B-A.
Les sonates de Haydn (n°59) et de Mozart (n°14, KV 457) sont généralement considérées comme un modèle d'équilibre, surtout quand elles sont jouées, comme dans les références citées, par Alfred Brendel. Tous les pianistes n'atteignent pas ce niveau de qualité d'où, méfiez-vous, l'existence d'interprétations fort inégales.
Le style classique expose, en effet, le piano au point que seuls les interprètes de grande classe se tirent d'affaire. Mal jouées, les sonates de Haydn ou de Mozart, même les chefs-d'oeuvre de la maturité, peuvent devenir ennuyeuses. Un pianiste un brin fantasque et techniquement irréprochable peut par contre faire un tabac dans cette musique et, au risque d'indisposer plus d'un puriste, j'apprécie les essais, hélas isolés, transformés par Fazil Say et Lang Lang. Marc-André Hamelin, qu'on n'attendait guère dans ce répertoire, enregistre actuellement, pour Hyperion, une intégrale Haydn qui promet.
Dans l'ombre de ces deux géants, quelques musiciens ont écrits des sonates anodines, Christian Gottlob Neefe (1748-1798) (Sonate n°12) et Johann Samuel Schroeter (1753-1788) (Sonate n°1), ou nettement plus aventureuses, Anton Eberl (1765-1807) (Grande Sonate, opus 39, qui se souvient avec 5 ans de retard de la Tempête de Beethoven). Les sonates d'Eberl viennent d'être enregistrées par John Khouri chez M+A, un CD recommandable même si j'aurais préféré un piano moderne. Il ne faudrait pas oublier la concurrence venue de Bohême : Leopold Kozeluh (1747-1818) (Sonate opus 20/3), Jan Ladislav Dussek (1760-1812) (Sonate opus 18/2 et surtout Sonate, opus 61, à la mémoire du Prince Louis Ferdinand de Prusse (Lento patetico - Tempo agitato, Tempo vivace)) et peut-être surtout le météore Jan Vaclav Hugo Vorisek (1791-1825), dont les oeuvres ont été enregistrées chez grand Piano (Sonate opus 20). Quant au danois Christoph Weyse (1774-1842), son oeuvre, de coupe classique, est parsemée de plaisantes bizarreries (Sonates n°5 à 8).
La sonate pour piano a connu son âge d'or au 19ème siècle, favorisé, en particulier, par les progrès enregistrés dans la facture de l'instrument, passé du stade de piano-forte à celui de Hammerklavier. Beethoven et Schubert ont montré l'exemple en écrivant chacun un cycle de sonates qui ont d'emblée fait autorité.
Les sonates de Beethoven ont été soigneusement numérotées par le compositeur, de 1 à 32, d'où vous n'avez aucune excuse de vous perdre. En société, vous tiendrez votre rang en : 1) évoquant avec le respect qui leur est dû (sans toutefois insister lourdement) les célèbres "Pathétique", "Clair de Lune", "Waldstein", "Les Adieux", "La Tempête" et "Appassionata", toutes appellations fantaisistes non sollicitées par le compositeur, 2) en leur préférant les incontournables 5 dernières (n° 28 à 32, en insistant sur l'énorme n°29, opus 106), et 3) plus subtilement, en manifestant votre admiration pour les bien trop négligées sonates de (relative, 26 ans quand même !) jeunesse, par exemple, l'admirable n°4, opus 7. Si vous voulez vraiment vous poser sans nécessairement passer pour un frimeur, vous évoquerez fort à propos les 3 oeuvres de réelle jeunesse (14 ans !) connues sous le nom de "Sonates à l'Electeur, WoO 47" (n°2).
Note : En explorant la toile vous découvrirez les 32 sonates sous les doigts de Daniel Barenboim. J'aime la façon dont il les joue comme j'apprécie sa direction d'orchestre. L'homme aux quatre passeports (Argentin, Espagnol, Israélien et Palestinien !) n'est pas moindre que le musicien et son engagement pacificateur au service d'une hypothétique réconciliation judéo-palestinienne mérite le respect. Un grand Humaniste de notre temps !
En explorant davantage, vous découvrirez les interprétations absolument remarquables d'un pianiste américain trop méconnu de ce côté de l'Atlantique, Richard Goode, aussi à l'aise dans les oeuvres de jeunesse et de maturité que tardives (Sonates n°6, n°17, n°31).
Les oeuvres homologues de Schubert sont, en théorie, numérotées de 1 à 21, à condition de comptabiliser les oeuvres inachevées, (n°8, 10, 12 et 15), une spécialité schubertienne. En cas de doute, référez-vous au numéro d'inventaire du catalogue d'Otto Erich Deutsch, voire, à la tonalité annoncée. Les plus merveilleuses sonates (D 894, D958, D 959 et D960) datent, sans surprise, de l'extrême fin de la courte vie de leur auteur.
Les contemporains, dits mineurs, ne le furent pas tant que cela : Muzio Clementi (1752-1832), l'aîné de la bande, a écrit plus de 100 (!) sonates, d'excellente facture (opus 50 n°5) et Joseph Wölfl (1773-1812), un rival de Beethoven dans les salons viennois, 68 (opus 50). Les successeurs ont revu les contingents à la baisse : John Field (1782-1837) n'en a écrit que 4 (opus 1 n°3), tout comme Carl Maria von Weber (1786-1826) (opus 24, 39, 49 et 70). Johann Nepomuk Hummel (1778-1837) en a écrit 9 (n°2, opus 13, n°5, opus 81, la plus connue, n°6, opus 106), Ferdinand Ries (1784-1838), 7 (opus 26), Carl Czerny (1791-1857), 11 (Sonate n°6, 50 minutes de belle musique mais n'oubliez pas la n°7 ou la n°9 aux accents nettement beethoveniens). Ne manquez surtout pas l'intégrale Czerny, en cours chez Nimbus avec Martin Jones au piano ! Norbert Burgmüller (1810-1836) n'en a édité qu'une seule mais il est mort prématurément à 26 ans (Sonate, opus 8). Pas (encore) de musiciens français penserez-vous ? Alors précipitez-vous sur les deux Sonates de Pierre-Alexandre-Boely (1785-1858), on y sent le souffle du (jeune) Maître de Bonn (Plages 1 à 3 & 24 à 26).
Les sonates se firent moins nombreuses à l'ère romantique, beaucoup de musiciens ayant préféré des structures musicales plus narratives, rhapsodiques ou cycliques. De Felix Mendelssohn à Johannes Brahms, la plupart des grands compositeurs se sont contentés de trois sonates, pas une de plus, allez savoir pourquoi : Mendelssohn (opus 6, 105 et 106, qui commence sans complexe comme le même opus 106 de Beethoven, le souffle en moins), Schumann (opus 11, 14 et 22, superbes évidemment), Chopin (opus 4, 35, prise ici dans un tempo infernal, et 58) et Brahms (opus 1, 2 et 5, des oeuvres de jeunesse uniquement).
La seconde moitié du 19ème siècle a été frappée par un phénomène singulier, c'est le cas de le dire : l'oeuvre isolée donc inéchangeable dont le prototype parfait serait, pour l'éternité, La Sonate de Liszt (1853). Structurellement, elle n'est plus de la musique pure, dépourvue de connotation extra-musicale. Les analystes ont, au contraire, voulu y déceler un argument littéraire dans l'affrontement dramatique de ses deux thèmes principaux (Faust & Méphisto ?), une idée que Liszt associait à la musique de l'avenir au sens où il l'entendait, la révolution wagnérienne était en marche.
L'oeuvre unique et monumentale n'était pourtant pas une invention lisztienne car dès 1847, Charles Valentin Alkan (1813-1888) avait montré la voie avec sa Grande sonate, opus 33, Les quatre âges de la vie (ici dans une interprétation impressionnante de Ronald Smith) : c'était déjà une oeuvre à programme, aux proportions quasiment symphoniques.
Par la suite et plus modestement, Edvard Grieg (1865), Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1878), Jean Sibelius (1893) et Eugène d'Albert (1893) ont également publié "leur" sonate sans qu'aucune ne s'impose comme un chef-d'oeuvre comparable.
Il revient par contre à Paul Dukas (1865-1935) d'avoir réussi l'oeuvre parfaite (Sonate - 1900), celle qui sans excès ni regret a tourné la page du romantisme et ouvert celle de la modernité.
L'éveil des consciences nationales, vers 1850, a diversifié l'offre des sonates et, sans surprise, trois pays volontiers conservateurs (au meilleur sens de l'expression : qui ne conservent pas n'importe quoi !) ont cultivé le genre, de plus jusqu'à nous jours : l'URSS, la Grande-Bretagne et les USA.
Les artistes russes ont respecté les formes traditionnelles davantage par opportunisme que par conviction : le régime stalinien ne leur a guère laissé le choix. L'ingéniosité qu'ils ont déployée pour faire du neuf avec du vieux, pendant 26 années de terreur (1927-1953), n'en est que plus admirable. Même en-dehors de cet intervalle temporel, la sonate russe n'a cessé de connaître de beaux jours.
Pionnier parmi les pianistes-compositeurs, il était normal qu'Anton Rubinstein (1829-1894) écrive des oeuvres à son usage : ses 4 sonates virtuoses (n°3) valent bien un petit détour. Si Mili Balakirev (1837-1910) (Sonate n°1, Sonate n°2) impressionne moins que Piotr Ilitch Tchaïkovsky (pour rappel : Sonate, opus 37), ne manquez surtout pas la magnifique Sonate, opus 27 de Sergei Lyapunov (1859-1924), le frère du grand mathématicien Alexander Lyapunov, connu de tous les spécialistes de la théorie du chaos. Quant au mal-aimé, Alexandre Glazounov (1865-1936), il n'a pas démérité dans ses Sonates n°1 & 2.
Quelques musiciens connus ont opéré la transition vers l'ère moderne :
Les anglais, bien que capables de réelles excentricités, sont restés attachés à la tradition de la sonate. Longtemps après le précurseur, Sir William Sterndale Bennett (1816-1875) (Sonate n°1), Frank Bridge (1879-1941) (Sonate), John Ireland (1879-1962) (Sonate), Cyril Scott (1879-1970) (Sonate, opus 66), Arnold Bax (1883-1953) (Sonate n°3), Benjamin Dale (1885-1943) (Sonate en ré mineur), Arthur Bliss (1891-1965) (Sonate), Roger Sessions (1896-1985) (Sonates n°1, la plus accessible, n°2, n°3) et William Alwyn (1905-1985) (Sonata alla Toccata) ont ponctuellement contribué au genre avec talent. D'autres ont conçu des cycles nettement plus ambitieux :
Enfin, achevons la liste initiale, non sans déplorer l'absence de Benjamin Britten (1913-1976), muet dans le genre : Constant Lambert (1905-1951) (Sonate, légère dans tous les sens du terme mais fort bien construite), l'irlandais Howard Ferguson (1908-1999) (Sonate, opus 8), Stanley Bate (1911-1959) (Sonate n°2, opus 59, à découvrir), Harold Truscott (1914-1992) (Sonates n°9, 13 & 15, excellentes), Bernard Stevens (1916-1983) (Sonate, opus 25), Robert Simpson (1921-1997), autant d'exemples qui devraient interpeller les mélomanes curieux. Le gallois William Mathias (1934-1992) (Sonate n°1) et l'écossais John McLeod (1934- ) (Sonates n°3, à écouter, n°4, n°5) complètent ce tableau. Plus près de nous, ne passez pas à côté des sonates de Ian Venables (1955- ) "in memoriam DSCH" et de David Jennings (1972- ).
Vers 1914, la musique savante américaine ne rayonnait guère encore intensément, défendue par Edward MacDowell (1860-1908) (Sonates n°1 Tragica, n°2 Eroica, n°3 Norse, n°4 Keltic), Charles Tomlinson Griffes (1884-1920) (Sonate) et surtout Howard Hanson (1896-1981) (Sonate, opus 11, sans doute la plus intéressante !).
Cela n'allait cependant pas durer et les musiciens américains ont rapidement refait leur retard, refondant leurs origines européennes dans un moule culturel différent. La sonate a joué un rôle dans cette entreprise de rattrapage.
Une oeuvre singulière a particulièrement fait date, la "Concord Sonata" de l'américain Charles Ives (1874-1954). Elle porte le n°2, dans le catalogue du musicien et elle a complètement éclipsé la n°1. Cette oeuvre visionnaire est d'une audace sans équivalent à l'époque de sa composition (1916), même en Europe. Notez que sa genèse fut lente, certains matériaux remontant à 1904. L'oeuvre est complexe et son tendre 3ème mouvement, avec ses réminiscences beethoveniennes (cherchez, elles sont facilement repérables !), doit se mériter, pas question de court-circuiter les autres !
Vous exigerez naturellement l'une des interprétations de Marc-André Hamelin : deux enregistrements existent que vous départagerez en fonction de vos préférences pour l'autre sonate figurant en complément, soit celle, postromantique, de Samuel Barber (1910-1981) soit celle, plus aventureuse, de Maurice Wright (1949- ). Toutefois, je ne vous blâmerai pas si vous optez pour la version de Philip Mead, afin de bénéficier de sérieux bonus sur le double CD qu'il a enregistré (Sonate n°1 et Five Take-Offs). Un quatrième CD, dû à Donald Berman, vous donnera plus de fil à retordre en vous proposant les étonnantes Etudes en quarts de tons.
Trois oeuvres isolées, pas tellement connues, ont suivi la sonate de Ives : elles sont dues à Aaron Copland (1900-1990) (Sonate (1921)), Elliot Carter (1908-2012) (Sonate (1946), une oeuvre de jeunesse, si l'on peut dire !) et Samuel Barber (Sonate (1949)).
Vous connaissez George Antheil (1900-1959) si vous lisez ces chroniques : la Jazz Sonata ou la Airplane Sonata, ma préférée, vous plairont sans doute davantage que la Sonate sauvage qui porte bien son nom. Les oeuvres numérotées, n°3 (Allegro, Adagio, Diabolic), n°4 (Allegro Giocoso, Andante, Vivo) et n°5 (Andante-Allegro, Menuet, Allegro), ne peuvent être ignorées sous aucun prétexte, d'autant qu'il existe un excellent enregistrement sous les doigts experts de Guy Livingston.
J'ai également commenté par ailleurs les Sonates (et Interludes) de John Cage (1912-1992) qui ne sont d'ailleurs pas vraiment des sonates. J'ai également consacré une chronique enthousiaste à George Rochberg (1918-2005) dont le label Naxos a enregistré la musique pour clavier. Vous trouverez la Sonata seria dans le Vol. 2 et la Sonata Fantasia dans le Vol. 3 (en compagnie des incontournables Partita Variations et Nach Bach).
La vitalité en plein essor de la musique américaine est clairement perceptible dans ce florilège de sonates dues aux plumes de : Vincent Persichetti (1915-1987) (Sonate n°3), Leon Kirchner (1919-2009) (Sonate, à ne pas manquer !), Harold Shapero (1920-2013) (Sonate en fa mineur, à découvrir !), Benjamin Lees (1924-2010) (Sonate n°4), Nicolas Flagello (1928-1984) (Sonate) et Roland Trogan (1933- ) (Sonate n°3).
La Sonate de Frederic Rzewski (1938- ) est une oeuvre impressionnante qui, mine de rien, fait la synthèse de 1000 ans de musique occidentale (dommage pour la qualité sonore). Du même auteur, ne manquez sous aucun prétexte les livres de Nanosonates (Livre VI). Ecoutez de même la Sonate n°3 de Charles Wuorinen (1938- ).
Les oeuvres plus récentes me convainquent moins : Andrew Violette (1953- ) (Sonate n°7 dont la durée atteint allègrement 3 heures, ce qui est rarement un bon signe !), Sebastian Currier (1959- ) (Sonate) et Lowell Liebermann (1961- ) (Sonates opus 1, 10 et 82). Encore plus près de nous, la Sonate n°2 "The Last Resistance" de Mohammed Fairouz (1985- ) mérite davantage votre attention.
Les musiciens originaires des pays plus immédiatement ouverts à la modernité ont pris du recul par rapport à la sonate, n'y trouvant plus le creuset indispensable. Ils ont encore ponctuellement écrit de très belles oeuvres mais, sauf exceptions notoires (cf infra), elles font rarement partie de cycles dédicacés.
Enfin voici un rapide tour d'autres horizons :
Cette chronique étant aussi certainement qu'inévitablement incomplète, je me ferai un devoir de prendre en considération les réclamations émanant de quelques lecteurs scandalisés par un oubli majeur.
Quelques mots, à présent, pour saluer les interprètes sans lesquels toutes ces partitions seraient inaccessibles au plus grand nombre. A leur sujet, saviez-vous que Wilhelm Kempff (1895-1991) (Sonate, opus 47) et John Ogdon (1937-1989) (Sonate n°4) avaient également composé (ce dernier, plus de 200 oeuvres en tous genres constituant un catalogue inexploré) ?
Terminons par un petit quizz destiné à contrôler votre connaissance de quelques grands pianistes et accessoirement vos dons de physionomistes. Les (re)connaissez-vous, sachant qu'il y a un "petit nouveau" ? Sinon promenez la souris !
Cette galerie est également loin d'être complète : où sont Edwyn Fischer, Walther Gieseking, Yves Nat, Alfred Cortot, Emil Gilels, Georges Cziffra, Radu Lupu, Evgueny Kissin, Dinu Lipatti, etc, la liste est tellement longue que je renonce à la compléter ? J'ai simplement souhaité rendre hommage à quelques ancêtres légendaires, à quelques aînés vénérables, plus quelques pianistes confirmés plus ou moins jeunes. Des présences peuvent surprendre : Stephen Hough incarne la génération anglaise que le label Hyperion a révélée au travers de ses superbes enregistrements et Jean-Efflam Bavouzet est mon pianiste français préféré, il en fallait un, je n'allais quand même pas rallumer la Guerre de 100 ans ! L'intrus - mais plus pour longtemps ! - est un jeune pianiste russe (plus que) prometteur, Daniil Trifonov (1991- ), ici dans les Etudes opus 25 de Chopin. Vainqueur du Concours Tchaïkovski à l'âge de 20 ans seulement, son toucher sensible égale sa virtuosité, il dégage même quelques choses jamais entendues.