La France a offert son berceau à la musique savante occidentale, ce qui lui a garanti un demi millénaire d'hégémonie, de 1100 à 1600 !
Cela ne date pas d'hier, j'en conviens, et l'inconscient collectif se montre volontiers amnésique lorsqu'il considère que les pays de langue allemande, l'Allemagne et l'Autriche, sont la vraie patrie des musiciens, au motif qu'ils ont vu naître Bach, Mozart et Beethoven mais aussi Haendel, Schubert, Wagner et Schönberg.
Cette abondance de génies de tout premier plan, la France ne la possède effectivement pas, n'ayant à proposer que quatre artistes d'exception, également répartis sur trois siècles : Jean-Philippe Rameau (1683-1764), Hector Berlioz (1803-1869), Claude Debussy (1862-1918) et Olivier Messiaen (1908-1992).
Ces musiciens sont essentiels parce que non interchangeables : Telemann, Mendelssohn ou Henze n'auraient pas existé que la musique ne s'en serait pas forcément trouvée orpheline mais on ne peut décidément en dire autant de ces quatre musiciens français. Rendons-nous à l'évidence que :
Quatre génies incontournables, le bilan peut paraître maigre, pourtant il suffit d'étendre l'inventaire aux talents moindres mais confirmés - en fait les véritables garants de la vitalité musicale d'une nation - pour que la musique française apparaisse, tout d'un coup, d'une richesse exceptionnelle. C'est la longue liste de ces musiciens, pas toujours très connus, que cette chronique se propose d'illustrer, en particulier par quelques extraits sonores significatifs.
C'est en France, au 9ème siècle, que la musique occidentale s'est progressivement libérée du corset grégorien codifié pendant les deux siècles précédents. Cela s'est fait lentement, presque inconsciemment, à la faveur d'inventions diverses, le trope, la polyphonie et, sur un plan plus technique qui ne nous concerne pas ici, la notation neumatique.
À l'origine, l'organum se composait de deux voix : une voix basse, dite organale, en plain-chant (ou chant plat) formant un bourdon et une voix haute, dite principale, chantant le texte religieux. Il faudra attendre les 11ème et 12ème siècles, sous l'impulsion des écoles de Saint-Martial de Limoges (polyphonie d'Aquitaine) puis de Notre-Dame de Paris, pour que la voix organale s'émancipe du simple bourdon et suive une ligne mélodique indépendante.
La voie organale, posée initialement dans le registre grave par rapport à la voix principale, inversera ultérieurement la tendance en se positionnant dans l'aigu (technique du déchant) et en prenant à son compte les longues vocalises ornementales (organum fleuri). La vox principalis qu'on nomme désormais cantus firmus (ou ténor, au sens de teneur) apparaît désormais en retrait par rapport à la vox organalis (ou discantus), plus aiguë et annonçant la partie de soprano, qui sera chère à la Renaissance. Aux 12ème et 13ème siècles, ces techniques se perfectionneront à leur tour, menant au conduit et surtout au motet, par adjonction de voix. Le lecteur, impatient d'en savoir plus, peut, par exemple, consulter ce site.
Note. Le déplacement de la voix organale vers l'aigu est la première manifestation d'une tendance qui ne cessera de s'amplifier au cours des siècles : chanter ostensiblement toujours plus haut. Ainsi l'époque baroque s'enthousiasmera pour les voix de castrats et plus près de nous, le bel canto confiera les rôles principaux aux sopranos et aux ténors, leur réservant quelques notes extrêmes que les abonnés de la Scala - aujourd'hui centenaires ou morts - guettaient lorsque les voix le permettaient encore. Actuellement, les normes sont devenues plus raisonnables - enfin moins ambitieuses - les chanteurs actuels, pressés de toutes parts, ne laissant plus à leur voix le temps de murir. La divine Maria Callas perdit l'essentiel de ses moyens en 5 ans pour s'être acharnée à être soprano quand sa tessiture naturelle était celle d'une mezzo.
Voici la ligne du temps telle qu'elle se déroule en France entre 1100 et 1400 : c'est là que notre histoire commence réellement. La Chanson de Roland fut écrite vers 1090 mais nul ne sait avec certitude si elle était chantée, au moins partiellement. Le fait est que seul le texte a survécu. Par contre, le tout aussi anonyme Jeu de Daniel (Beauvais, vers 1150) nous est intégralement parvenu, alternant processions, récitatifs et plaintes. Il a fait l'objet de plusieurs reconstitutions discographiques dont celles, plutôt sages, des ensembles, Venance Fortunat et Dufay Collective ou celle, plus ornée, de l'Ensemble Estampie.
Il a fallu attendre les années 1170 pour rencontrer deux magisters de l'Ecole Notre-Dame de Paris, Léonin (1150-1201) et Pérotin (1160-1230), ayant signé leurs oeuvres.
Toujours dans le domaine de la musique d'église, quantité d'anonymes ont oeuvré un peu partout en France, réunissant leurs œuvres dans quelques manuscrits qu'on exhume peu à peu (Manuscrits du Puy, d'Apt, de Tours, …).
Une musique profane, populaire mais raffinée, a vu le jour dès le 12ème siècle, initiée et entretenue par les troubadours au Sud et les trouvères au Nord :
Cependant, un essor véritablement savant exigeait de faire évoluer le langage musical. Ce fut l'œuvre du premier théoricien de la musique, Philippe de Vitry (1291-1361), père fondateur de l'Ars Nova (par opposition à l'Ars Antiqua de Léonin et Pérotin). L'objectif était de codifier les nouvelles pratiques musicales, la polyphonie, le système mensuraliste, la notation mesurée, l'isorythmie et l'iso périodicité. Vitry est connu pour quelques motets d'attribution probable et surtout pour son adaptation musicale, dans le style de l'Ars Nova, du Roman de Fauvel (vers 1312). Les vers, du poète Gervais du Bus, brocardaient tellement le règne de Philippe le Bel, qu'ils lui valurent la pendaison.
Le maître incontesté de l'Ars Nova fut Guillaume de Machaut (1300-1377). C'est lui qui a ouvert la longue liste des compositeurs qui marqueront l'histoire de la musique occidentale. Sa Messe Nostre Dame se dresse plus que jamais fièrement à l'horizon musical et son auteur serait bien étonné d'apprendre qu'elle compte aujourd'hui des dizaines d'enregistrements, cherchant chacun à leur manière à retrouver "un" son authentique. L'éventail en notre possession démontre qu'aucun consensus n'existe à cet égard, d'où l'auditeur moderne fera bien de choisir l'interprétation qui lui plaît le mieux. Voici l'Ensemble Organum de Marcel Peres ou l'Ensemble Gilles Binchois, trop sages à mon goût, comparé à ce que proposaient naguère le Collegium Aureum , dirigé par Alfred Deller, ou le Clemencic Consort, âpres à souhait (sans compter un doublage instrumental, contestable mais bienvenu). C'est la rudesse de ton de la musique de Machaut qui lui confère sa modernité.
Vers 1400, alors que le peuple demeure plus que jamais confronté aux épreuves de la vie quotidienne, un art courtois prend naissance dans les châteaux, traduisant une aspiration à un monde idéal et meilleur. Nous ferons coïncider, un peu arbitrairement, la fin du Moyen-Age musical avec le court mais brillantissime épisode de l'Ars Subtilior, qui couronne l'art courtois par ses raffinements esthétiques et techniques déployés jusqu'aux limites du possible.
L'Ars Subtilior fut simultanément présent en France (Cour de Jean 1er, Duc de Berry, et de Janus de Lusignan, Roi de Malte) et en Italie, à Padoue, sous la houlette du liégeois Johannes Ciconia fils (1370-1412). Si le Codex Chantilly a reçu, le premier, l'attention des musicologues et des studios d'enregistrements, ma préférence va aux extraordinaires Manuscrits de Malte qui ont accompagné les Croisés maîtres autoproclamés de l'île. Deux enregistrements existent, dus à l'Ensemble Huelgas, chantés avec une perfection qu'on ne croirait pas de ce monde. Si vos finances ne sont pas au mieux, optez pour l'album Cypriot Advent Antiphons, c'est une splendeur (Ecoutez un plus large extrait de Veni Splendor Mirabilis ). Sachez encore qu'un boîtier de 15 CD, reprenant des pièces du Moyen-Age et de la Renaissance, chantées par les mêmes interprètes, est disponible pour 30 euros; à ce niveau de perfection vocale, c'est carrément donné. Dommage que les Cypriot Advent Antiphons n'en fassent pas partie.
Le lecteur impatient d'en savoir encore plus peut, par exemple, consulter cet autre site.
Prolongeons la ligne du temps jusqu'aux années, 1400-1600, celles de la Renaissance. Il est d'usage de la nommer franco-flamande mais il faut prendre garde que nombre de musiciens sont, en fait, issus du Hainaut belge actuel. Précisons que les lieux de naissance de quelques compositeurs sont régulièrement contestés, tel Guillaume Dufay, né en 1400, à Cambrai selon les auteurs français, au motif qu'il y a effectivement fait ses études, ou à Beersel, près de Bruxelles, selon d'autres sources, belges évidemment.
Les grands chefs-d'oeuvre de la Renaissance, de Dufay à Lassus en passant par Josquin des Prés, sont d'essence religieuse, messes et motets; ils ont été abondamment commentés par ailleurs sur ce site. Peu avant 1500, on a vu se développer simultanément une tradition profane, faite de chansons polyphoniques, courtoises et bientôt gaillardes. Clément Janequin (1485-1558) fut le maître du genre, faisant quantité d'émules (Crecquillon, Passereau, Certon, Sermisy, Le Jeune , ...). Les chorales actuelles puisent encore largement dans ce répertoire comme en atteste cette interprétation du La la la de Pierre Certon.
L'Italie qui était jusque-là demeurée curieusement en retrait s'est réveillée sous l'impulsion de Claudio Monteverdi. Il a imposé une nouvelle pratique musicale où la ligne mélodique horizontale, chargée d'émotion, prenait le pas sur la savante polyphonie verticale. Les musiciens français, non préparés à ce langage lyrique d'un genre nouveau, mettront plusieurs décennies à l'intégrer.
Pierre Guédron (1565-1620), puis son gendre Anthoine Boesset (1587-1643), ont régné sans grand partage mais aussi il faut bien le reconnaître sans beaucoup de concurrence à la cour des rois de France, Henri IV et Louis XIII. Etienne Moulinié (1599-1676) a fait de même à la cour de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Ensemble, ils ont porté à son degré de perfection, l'air de cour, mutation distinguée des chansons de la Renaissance. Ce style, que les hardies percées italiennes condamnaient à la disparition, aura pourtant la vie dure et Michel Lambert (1610-1696) le défendra encore à une époque bien tardive. Vincent Dumestre et son ensemble, Le Poème Harmonique, se sont beaucoup investis dans ce répertoire, nous offrant quelques albums précieux.
Le languedocien Guillaume Bouzignac (1590-1640) a tenté, avec un certain mérite, de recoller les morceaux de la polyphonie renaissante agonisante mais de toute évidence, la France avait surtout besoin d'assimiler les idées nouvelles en provenance d'Italie.
C'est de fait un italien, Jean-Baptiste Lully (1632-1687), qui a volé au secours de la musique française, lui forgeant de toutes pièces un style théâtral nouveau. Entré, à 20 ans à peine, au service de Louis XIV, il a épousé Madeleine Lambert, la fille du Lambert susnommé. Son style est si idiomatiquement français que, pour cette fois, on le naturalisera sans la moindre hésitation.
L'arrivée de Lully eut l'effet d'un coup de fouet sur la création musicale : dès 1650, la France aphone retrouve, en effet de la voix dans le concert européen, tant dans le domaine instrumental que vocal.
Quelques claviéristes de talents se sont illustrés dans un style à la française : Louis Couperin (1626-1661), Gaspard Le Roux (1660-1707), Élisabeth Jacquet de La Guerre (1665-1729), une des très rares compositrices de l'époque, cela valait bien un portrait, d'autant que Louis XIV - insigne honneur - l'avait "remarquée", François Couperin (1668-1733), neveu de Louis - mais la lignée des Couperin ne se limite pas à ces deux figures illustres - , Louis Marchand (1669-1732), Nicolas de Grigny (1672-1703), Antoine Forqueray (1672-1745), Louis-Nicolas Clerambault (1676-1749), Louis-Antoine Dornel (1685-1765), Louis-Claude Daquin (1694-1772), Joseph Nicolas Pancrace Royer (1705-1755), Michel Corrette (1707-1795), Jacques Duphly (1715-1789), Claude Balbastre (1727-1799). L'amateur s'attardera sur les magnifiques "Ordres pour le clavecin" de François Couperin, le plus dur étant de trouver un instrument qui sonne bien : Les Lis naissans (sic), Les Barricades mystérieuses, Les Ombres errantes, Les Idées heureuses, ..., sont autant de pièces délectables. Il meublera également avec plaisir ses heures de loisirs grâce aux plus que charmants 25 "Concertos comiques" de Michel Corrette, ici dans ces Variations sur un thème de Rameau (extrait des Indes galantes) ou là, dans J'ai du bon Tabac.
Note. C'est à dessein que j'ai mentionné les dates de naissance et de décès de chacun car elles illustrent un phénomène caractéristique du baroque français que le paragraphe concernant les airs de cours laissait déjà deviner et que celui concernant la tragédie lyrique confirmera : les musiciens français de cette époque usent la corde dont ils jouent jusqu'au point de rupture. Michel Lambert écrit encore des airs de cour 75 ans après les premiers essais de Pierre Guédron. Jacques Duphly (1715-1789) ou Claude Balbastre (1724-1799) ne sont pas précisément en avance sur leur temps dans leurs livres pour le clavecin et nous verrons que Rameau ne fera pas autrement en écrivant les Boréades en 1763. Mettons-nous bien d'accord : la qualité des oeuvres de chacun n'est absolument pas en cause (Les Boréades est un chef-d'oeuvre absolu et l'oeuvre pour clavecin de Duphly est admirable) mais simplement, cette propension à s'attarder sur un style à succès n'était pas la meilleure manière de postuler une position de premier plan dans le concert européen. L'oeuvre tardive de Rameau fut d'ailleurs la source de la Querelle des Bouffons qui vit, 150 ans après 1600, une nouvelle contestation de la musique française par sa consoeur transalpine.
Les flûtistes Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737), Jacques Hotteterre (1673-1763), Joseph Bodin de Boismortier (1689-175) et Michel Blavet (1700-1768), les violonistes, Jean-Féry Rebel (1666-1747) - un musicien scandaleusement négligé, ici dans l'étonnant chaos qui ouvre ses Eléments, sa seule oeuvre régulièrement jouée -, Jean-Marie Leclair (1697-1764) et François Francœur (1698-1787), le luthiste Robert de Visée (1650-1725) et les violistes, Sainte-Colombe père (ca 1640-1701) & fils (1660-1720) et Marin Marais (1656-1728) complètent cet excellent tableau instrumental.
La musique d'église est dominée par l'art souverain de Marc-Antoine Charpentier (1634-1704), interdit d'opéra suite aux incessantes intrigues de Lully à la cour de Louis XIV : des messes, un célébrissime Te Deum et quantité de pièces jamais mineures, tel ce beau Stabat Mater , d'une émouvante simplicité. Aujourd'hui, juste retour des choses, Charpentier se porte plutôt mieux que son rival, au CD du moins. On mentionnera encore un vaste répertoire de musiques d'église hautement décoratives, de Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Sébastien de Brossard (1655-1730), Michel Richard de Lalande (1657-1726), André Campra (1660-1744), Henry Desmaret (1661-1741), Jacques Antoine DeNoyé (1700-1759), ... . Quant aux nombreuses Leçons des Ténèbres, elles sont toutes éclipsées par celles, lumineuses, de François Couperin.
Toutefois, la grande affaire du baroque français, c'est la tragédie lyrique, initiée par Lully et magnifiée par Rameau. Il fut un temps pas si lointain où le mélomane ne pouvait rien connaître de ce répertoire fascinant sauf aux détours de quelques enregistrements souvent calamiteux. Depuis, quelques baroqueux venus d'ailleurs ont fait honte aux interprètes français en leur révélant les trésors de leur patrimoine : l'américain William Christie dans Atys (Lully), le belge Sigiswald Kuyken dans Pygmalion, Zaïs ou Zoroastre (Rameau) ou l'anglais John Elliot Gardiner dans les Boréades (Rameau). Aujourd'hui, on constate avec soulagement que des artistes français se sont mobilisés afin de combler les nombreux espaces encore vacants dans le répertoire enregistré : Marc Minkowski (Platée de Rameau), Hervé Niquet (Sémélé de Marin Marais), Hugo Reyne (Ulysse de Jean-Féry Rebel), Christophe Rousset (Belléphoron de Lully), proposent enfin des produits faits maison et de qualité. En résumé, outre les chefs-d'oeuvre disponibles de Lully et Rameau, tout amateur d'opéra baroque doit connaître :
David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier (1634-1704), Achille et Polyxène de Pascal Collasse (1649-1709), Sémélé de Marin Marais (1656, 1728), Tancrède et Le Carnaval de Venise d'André Campra (1660-1744), Vénus et Adonis de Henry Desmaret (1661-1741), Céphale et Procris d'Elisabeth-Claude Jacquet de la Guerre (1665-1729), Ulysse de Jean-Fery Rebel (1666-1747), Callirhoé d'André-Cardinal Destouches (1672-1749), Les Amours de Ragonde de Jean-Joseph Mouret (1682-1738), Daphnis et Chloé de Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair (1697-1764) et Les Fêtes de Paphos de Jean-Joseph Cassanea de Mondonville (1711-1772). Les bachoteurs se contenteront de Sémélé, de Callirhoé, de Daphnis et Chloé et de Scylla et Glaucus. Pour la petite histoire, sachez que Lully eut deux fils, Louis et Jean-Louis, qui écrivirent également des tragédies lyriques : elles connurent un succès (d'estime ?) avant de sombrer (définitivement ?) dans les oubliettes de l'histoire.
Cet attachement inconditionnel à un style qui avait fait ses preuves mais qui avait aussi atteint ses limites, fut à nouveau fatal à la musique française qui manqua cette fois le train du classicisme. Mis à part les belges, André Modeste Grétry (1741-1813) et surtout François-Joseph Gossec (1734-1829), la France ne proposa rien de transcendant, comparé à ce qui s'écrivit en Bohême et à Vienne. Seul Antoine Dauvergne (1713-1797) contredit cette opinion avec son opéra, Les Troqueurs, bien enregistré par l'infatigable William Christie. Charles Hérissé (1737-1817) et François Giroust (1738-1799) sont aujourd'hui malheureusement bien oubliés. Quant à Hyacinthe Jadin (1776-1800), d'origine belge, à nouveau, et auteur de prometteuses pièces de musique de chambre, il n'eut pas le temps de confirmer les espoirs que l'on pouvait légitimement fonder sur lui.
Les éditeurs décontenancés par la pénurie de musiciens classiques sont obligés de faire des fouilles archéologiques pour étendre le répertoire. Un musicien lorrain, Jean-François Tapray (1737-1819), tellement méconnu que les dates mentionnées ne le sont qu'à titre indicatif, mériterait sans doute qu'on s'y intéresse davantage. C'est du moins ce que suggère un enregistrement de 6 Concertos pour orgue qui hésitent encore entre le baroque tardif de Michel Corrette et le Sturm und Drang allemand. Ne m'écrivez pas pour savoir quel est le monument bizarre qui orne la pochette, je l'ignore et le livret ne le dit pas; par contre je voudrais le savoir. Je n'exclus nullement qu'il s'agisse d'une fantaisie d'artiste, pressé d'illustrer les tuyaux de l'instrument.
La révolution de 1789 aurait pu favoriser l'avènement d'un style nouveau si les musiciens autochtones s'étaient montrés à la hauteur des ambitions d'une société en pleine mutation. Hélas, dès 1790, on ne trouva guère que l'inusable Gossec pour mettre en musique les Fêtes de la nouvelle République. Encore ne pouvait-il raisonnablement être considéré comme l'interprète sincère des sentiments révolutionnaires, ayant prêté son talent, avec un bonheur aussi égal qu'opportun, à tous les régimes qui se sont succédés de 1750 à ... 1830 ! A part cela, saviez-vous que "Il pleut Bergère" était une chanson révolutionnaire, tirée de l'opérette, "Laure et Pétrarque" de Fabre d'Eglantine (qui l'aurait fredonnée en montant sur l'échafaud) ? La bergère serait Marie-Antoinette, il faut vraiment que cette époque ait été indigente pour que j'en sois réduit à m'attarder à de telles billevesées. Trois musiciens tranchent néanmoins sur la grisaille ambiante :
L'idéal révolutionnaire s'est bien exporté Outre-Rhin et on a maintes fois fait remarquer que l'éloquente rhétorique beethovenienne lui devait beaucoup. C'est bien Beethoven qui a transcendé le message révolutionnaire, magnifiant ses composantes d'humanité jusqu'à l'utopie fraternelle de la 9ème Symphonie.
Il appartient à un musicien français, Hector Berlioz (1803-1869), d'avoir résolu un problème qui paraissait insoluble : écrire une symphonie - la célèbre "Fantastique" (exigez Charles Munch !) - alors que Beethoven venait de mourir et que son successeur désigné, Franz Schubert, l'avait suivi de peu dans la tombe. La solution trouvée par Berlioz, homme d'orchestre mais aussi de théâtre, était ingénieuse, basée sur la notion de programme. Ce qui pourrait paraître anecdotique ne l'était nullement et tout le courant dissident emprunté à sa suite par Liszt, Franck et Wagner trouve son origine dans l'oeuvre de ce génie incandescent.
Le piano et la musique de chambre n'ont jamais attiré Berlioz. Deux autres musiciens français, que l'histoire tarde à honorer pleinement, ont comblé ces lacunes : Georges Onslow (1784-1853) a écrit 36 quatuors à cordes et presque autant de quintettes mais sachez qu'il est également l'auteur de 4 symphonies, enregistrées chez CPO tandis que Charles Valentin Alkan (1813-1888) s'est surtout consacré au piano, que vous ferez bien d'écouter, autant que possible, sous les doigts de Marc-André Hamelin. Napoléon Henri Reber (1807-1880) et Félicien César David (1810-1876) furent loués par Berlioz dans ses Ecrits sur la Musique. Vous trouverez ici quelques maigres échos enregistrés.
La génération suivante a vu naître deux musiciens de grande valeur mais aux antipodes esthétiques : l'académique, Camille Saint-Saëns (1835-1921), bien trop snobé par les puristes qui croient sans doute qu'il n'a écrit que le Carnaval des Animaux et le prophétique, Gabriel Fauré (1845-1924), qui a préparé mieux que tout autre le modernisme français. Deux autres musiciens talentueux et trop tôt disparus, Georges Bizet (1838-1875) et Emmanuel Chabrier (1841-1894), ont incarné la santé voire la bonne humeur d'une certaine musique française : Le Roi malgré lui du dernier nommé est un chef-d'oeuvre trop méconnu.
La même époque a encore vu l'avènement du grand opéra romantique français. C'est à nouveau un étranger - venu d'Allemagne cette fois - qui le leur a forgé : Giacomo Meyerbeer (1791-1864), de son vrai nom Jakob Liebmann Beer. Charles Gounod (1818-1893), Leo Delibes (1836-1891), Edouard Lalo (1823–1892), Edouard Massenet (1842-1912) firent la carrière que l'on sait en lui emboîtant le pas. Fins mélodistes, ils auraient pu aussi bien réussir en musique instrumentale, les "petites" Symphonies de Gounod, les Concertos de Lalo (dont celui pour violoncelle) ou les Scènes Pittoresques de Massenet en sont des preuves évidentes mais la mode de l'opéra en décida autrement. On ne parle plus guère aujourd'hui d'Alfred Bruneau (1857-1934), maître de l'opéra réaliste au même titre que Gustave Charpentier (1860-1956). Son Requiem a pourtant fière allure.
Curieusement c'est encore un allemand, Jacques Offenbach (1819-1880), qui a élevé l'opérette française (Orphée aux Enfers, La belle Hélène, La Périchole, La grande Duchesse de Gerolstein, ..., plus une kyrielle d'oeuvres mineures) au niveau de sa consoeur viennoise. Excellent violoncelliste, Offenbach aurait volontiers écrit des oeuvres plus ambitieuses; il a d'ailleurs prouvé, avec ses Contes d'Hoffmann, qu'il en était parfaitement capable. Hélas, il n'était guère plus courageux que Gioachino Rossini (1792-1868), autre paresseux notoire.
On sait que la deuxième moitié du 19ème siècle a vu, un peu partout en Europe, l'éclosion des écoles nationales de musique. L'exemple de la France est particulier dans la mesure où plusieurs écoles, plus ou moins rivales, ont vu le jour. La défaite de 1870 contre l'Allemagne ayant créé un sentiment de malaise dans les milieux cultivés, artistiques mais aussi scientifiques, elle a provoqué, chez certains, un mouvement de rejet de la musique allemande récente, critiquant la soi-disant surcharge instrumentale des Wagner, Bruckner, Mahler et autre Strauss, voire la lourdeur (!) de Brahms, aux antipodes de ce que la sensibilité française se devait d'exprimer. Comme quoi quand on veut battre un chien, on trouve toujours un bâton.
Tous les artistes ne réagirent pas de façon aussi épidermique et on a pu observer la naissance de factions multiples, plus ou moins rivales. Bien que le Conservatoires de Paris ait compté parmi les plus réputés d'Europe, plusieurs institutions parallèles virent le jour, contestant son autorité chacune à leur manière. Le bilan de ces dissensions fut étonnamment positif : la musique française a fait le même bond en avant que la peinture - mais avec des arguments différents - disputant l'hégémonie musicale à une Allemagne sur le déclin et à une Russie seulement en éveil.
Note. Ce tableau a pour seule vocation d'illustrer en lignes parallèles l'étonnante diversité des écoles françaises. Elles ne furent pas d'importances égales et il ne faut tirer aucune conclusion du nombre de musiciens notés sur chaque ligne, seuls les membres fondateurs étant repris à coup sûr. Beaucoup de musiciens dont nous allons parler ont fait leurs études au Conservatoire de Paris : Debussy, Emmanuel, Dupont, Dukas, Ropartz, Ravel, Schmitt, Milhaud, Pierné, ..., et plus près de nous, Messiaen, Boulez, Landowski, Escaich, ... . Au terme de leurs études, les premiers nommés se sont dispersés, adhérant à un mouvement esthétique ou suivant un chemin solitaire. De nombreux compositeurs ont fréquenté plusieurs écoles, ce qui rend le jeu de piste particulièrement ardu.
La Société Nationale de Musique (SNM), fondée en 1871 par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns, avait initialement pour but de promouvoir la musique française selon la fière devise "Ars gallica". L'idée de contrer l'art germanique était bien présente à cette époque sensible mais il s'agissait également de revitaliser la musique instrumentale à laquelle l'opéra français (Gounod, Massenet, Delibes, Bizet, ... ) avait fait pas mal d'ombre. César Franck, Jules Massenet, Gabriel Fauré (1845-1924), Théodore Dubois (1837-1924), Alexis de Castillon (1838-1873), Henri Duparc (1848-1933) adhérèrent au mouvement sans nécessairement renoncer à leur enseignement au Conservatoire. La Société accepta des partitions non françaises à partir de 1880, ce qui déplut à Saint-Saëns chez qui le génie surpassait notoirement l'esprit de tolérance.
La SNM était clairement une émanation d'un 19ème siècle finissant. Plusieurs musiciens et non des moindres, Gabriel Fauré (1845-1924), Charles Koechlin (1867-1950), Florent Schmitt (1870-1958) et Maurice Ravel (1875-1937), commencèrent à s'y sentir à l'étroit, voire contestés dans leurs désirs de modernité. En 1910, ils créèrent la dissidente Société de Musique indépendante (SMI), bientôt rejoints par Albert Roussel (1869-1937), Louis Aubert (1877-1968) et André Caplet (1878-1925). Très ouverts sur le monde extérieur, ils invitèrent quelques étrangers de marque, Bartok, De Falla, Honegger, Schönberg et Stravinsky à faire entendre leurs oeuvres, offrant à la capitale française un rayonnement qu'elle n'aura plus jamais par la suite.
Certains musiciens furent présents sur plusieurs fronts. Déjà actif au sein de la SNM, Vincent d'Indy (1851-1931) adhéra au projet de Charles Bordes et Alexandre Guilmant de créer un Conservatoire libre axé sur un retour de la musique d'église aux traditions grégorienne et palestrinienne ainsi qu'au renouvellement de la musique d'orgue. La disparition de Bordes, en 1900, entérina de fait l'élargissement de l'enseignement à la musique profane tant et si bien que la Schola Cantorum concurrença bientôt le Conservatoire. Les premiers cours de composition furent dispensés par d'Indy en personne, dès 1896, à une classe qui accueillit Déodat de Séverac (1872-1921) et René de Castéra (1873-1955). La réputation de la Schola ne cessa de grandir ainsi qu'en atteste la liste des musiciens formés : des français bien sûr, parfois transfuges de la SNM, Maurice Emmanuel (1862-1938), Albéric Magnard (1865-1914), Erik Satie (1866-1925), Georges Martin Witkowski (1867-1943), Albert Roussel (1869-1937), Antoine Mariotte (1875-1944), Gustave Samazeuilh (1877-1967), Paul le Flem (1881-1984), Edgar Varèse (1883-1965), Georges Migot (1891-1976), Raymond Loucheur (1899-1979), Georges Auric (1899-1983) mais aussi des étrangers (Guillaume Lekeu (1870-1894), Joseph Jongen (1873-1953), Albert Dupuis (1877-1967), Joaquín Turina (1882-1949), Leevi Madetoja (1887-1947), Gösta Nystroem (1890-1966), Arthur Honegger (1892-1955), Ahmet Adnan Saygun (1907-1991), ...). Esprit traditionnel mais ouvert, d'Indy respecta les virages empruntés par Debussy, Bartok ou Schönberg mais sans chercher à suivre leurs traces.
La Schola a essaimé en France (Lyon, Montpellier, ...) et même ultérieurement à Bâle, sous l'impulsion du mécène-musicien Paul Sacher, où elle a fait oeuvre pionnière en matière de musique baroque (Bon nombre de baroqueux célèbres ont enseigné à la Schola Cantorum Basiliensis, René Jacobs, Anthony Rooley, Evelyn Tubb, Christophe Coin, Marc Hantaï, Dominique Vellard, Hans-Martin Linde, Andreas Scholl, Paolo Pandolfo, Jaap Schröder, Jordi Savall, Chiara Banchini, Thomas Binkley, Hopkinson Smith, Bruce Dickey, ..., qui peut dire mieux ?).
D'Indy avait prévu les moindres détails de sa succession à son décès. Cependant le nouvel actionnariat (!) de la société renversa les directeurs prévus tant et si bien que la Schola éclata avec la démission de Gabriel Pierné, Paul Dukas, Guy Ropartz, Albert Roussel et Pierre de Bréville. L'École César Franck naquit de cette nouvelle dissidence, sous la direction de Louis de Serres, mais elle ne connut pas le succès espéré. La Schola amputée de ses meilleurs éléments survécut au séisme mais avec beaucoup moins d'éclat. Ce fut, de fait, la fin des écoles de musique.
J'espère que le lecteur m'a déjà pardonné ces énumérations un brin fastidieuses mais c'est l'époque qui veut cela, incroyablement riche en talents multiples. Pour aider le mélomane curieux mais déboussolé, il me reste à faire un point subjectif en proposant des pistes d'écoutes à tous les niveaux (les musiciens sont plus ou moins regroupés selon un ordre de notoriété - mais non de valeur - décroissant) :
L'entrée de la France en modernité s'est faite par plusieurs portes :
Il était dans l'ordre des choses qu'Olivier Messiaen (1908-1992) marque de son empreinte toute la musique française d'après-guerre, d'autant qu'il fut un professeur influent. Il compta parmi ses élèves (français), Pierre Boulez (1925- ), Betsy Jolas (1926- ), François-Bernard Mâche (1935- ), Michèle Reverdy (1943- ), Alain Louvier (1945- ), Gérard Grisey (1946-1998), Tristan Murail (1947- ), Michaël Levinas (1949- ), ... . Tous ont connu des destins artistiques assez différents.
Aujourd'hui, sous l'impulsion des musiciens de la nouvelle génération - la plupart quadragénaires maintenant ! - le paysage a heureusement bien changé : la musique française connaît un nouveau printemps. Les tendances se multiplient comme partout dans le monde : cela ne signifie nullement que les chefs-d'oeuvre soient automatiquement au rendez-vous mais tout simplement que les conditions sont réunies pour permettre une nouvelle diversité.
Quelques valeurs sûres ont des choses à dire à vos oreilles, jugez plutôt et osez encore dire, après cela, que la musique contemporaine est ennuyeuse :
Vous poursuivrez votre itinéraire-découvertes en écoutant les oeuvres d'autres musiciens dignes d'intérêt, Bernard Cavanna (1951- ), Gérard Pesson (1958- ) - superbe ce Nebenstück ! mais attention tout n'est pas si simple et l'Opera pastorale vous donnera davantage de fil à retordre - , Pascal Zavaro (1959- ), Bruno Letort (1963- ) - le postmoderne français - , Thierry Escaich (1965- ), Éric Tanguy (1968- ), Jean-Louis Agobet (1968- ) et Jérôme Ducros (1974- ) auquel une chronique particulière est consacrée sur ce site.
Le grand public qui suit les médiatiques Victoires de la musique sait qu'une section "musique contemporaine" a déjà couronné quelques musiciens de cette nouvelle vague, Thierry Escaich (3 fois), Éric Tanguy, Bruno Mantovani, Philippe Hersant (2 fois), Pascal Dusapin. J'espère vous avoir convaincu qu'il reste beaucoup d'autres talents à décorer.
L'opéra français a connu trois âges d'or : j'ai mentionné la tragédie lyrique, je ne me suis pas attardé sur le célèbre opéra romantique - Berlioz et Gounod mais aussi Saint-Saëns, Bizet, Massenet, ... - par contre, j'insiste sur un répertoire très particulier qui a davantage besoin de publicité car il est rarement présent sur scène. Il concerne des musiciens de la fin du 19ème siècle n'ayant souvent écrit qu'une seule oeuvre mais de qualité : Ariane et Barbe-Bleue (Dukas), Pénélope (Fauré), Yolande, Bérénice et Guercoeur (Magnard), Le Roi Arthus (Chausson), Fervaal (d'Indy), Padmavâti (Roussel). Ils ont été enregistrés dans des conditions d'excellence variable et une mise à jour ne serait pas superflue.
Plus près de nous, l'opéra français s'est fait rare, ne proposant plus que des oeuvres isolées, telles le splendide Dialogue des Carmélites (Poulenc) que vous seriez impardonnable de ne pas posséder en cinq exemplaires dans votre CDthèque, Saint-François d'Assise (Messiaen), les Nègres (Levinas) ou Médée (Reverdy), toutes oeuvres pour lesquelles des enregistrements récents existent.
Une diction parfaite est requise pour interpréter l'opéra français. Celui-ci a heureusement bénéficié, à toutes les époques, de quelques grandes et belles voix, de Georges Thill à Nathalie Dessay, en passant par Charles Panzéra, Gérard Souzay ou Régine Crespin. Il serait toutefois injuste de sous-estimer la diction d'artistes non francophones, telle Dame Felicity Lott qui a servi comme nulle autre la mélodie française (Les Chemins de l'Amour, de Poulenc) mais aussi le théâtre lyrique comme dans cette merveilleuse Grande Duchesse de Gerolstein. Décorons Félicity Lott de l'ordre du mérite, spécialement créé pour honorer les interprètes anglais qui ont tant fait pour la musique française.
L'improvisation plus ou moins notée est une longue tradition française : Marcel Dupré (1886-1971), Maurice Duruflé (1902-1986), André Fleury (1903-1995), Jean Langlais (1907-1991), Gaston Litaize (1909-1991), Jehan Alain (1911-1940), Jean Guillou (1930- ), ..., ont grandement contribué à élargir un répertoire que la Schola Cantorum avait déjà étendu sous les doigts de Alexandre Guilmant (1837-1911), Charles-Marie Widor (1844-1937), Louis Vierne (1870-1937) et Charles Tournemire (1870-1939). La famille Alain s'est illustrée comme nulle autre dans ce genre : Jehan, fils d'Albert, était le frère de Marie-Claire, d'Olivier et de Marie-Odile, les amateurs d'orgue comprendront. Aujourd'hui, Thierry Escaich, déjà mentionné, est une valeur sûre de l'improvisation.
La vie musicale parisienne n'est plus ce qu'elle était il y a 100 ans lorsque la capitale offrait l'asile à des musiciens réputés, venus d'ailleurs (Stravinsky, Martinu, Honegger, ...). Paris n'est plus le nombril du monde musical et elle aura bien de la peine à combler son retard sur Londres ou New-York voire Helsinki.
Les plus hauts lieux de la culture musicale française se trouvent au niveau de quelques festivals d'été toujours bien notés. La France n'a aucune peine à convaincre les meilleurs artistes du moment de s'y produire, profitant au passage de la variété paysagère, du climat et de la gastronomie que l'on sait : Ambronay, La Chaise-Dieu, Beaune, La Roque d'Anthéron, Saintes, Fontfroide, Orange, Aix, ... . Je dois une publicité particulière au festival qui est, à mes yeux, le plus précieux de tous, celui de Radio-France à Montpellier. Il pratique une politique unique en son genre : des soirées payantes - mais à un tarif raisonnable - où l'on propose une multitude d'oeuvres rares et des concerts de midi et d'avant-soirée gratuits. Les archives, tenues à jour depuis la création de l'événement, en 1985, sont consultables en ligne, prouvant la singularité de cet événement annuel (Optez pour la consultation en pdf car le direct, futuriste à souhait, est impossible à suivre pour un profane).
L'association Musique Française d'Aujourd'hui et le Festival Présences se consacrent à la création contemporaine. Les concerts de ce dernier sont gratuits, une façon d'attirer un nouveau public vers des oeuvres actuelles mais aussi de mettre le doigt sur un problème de fond qui n'a pas encore trouvé sa solution finale : banaliser, au sens noble du terme, la musique de notre temps.
Deux éditeurs français, Chant du Monde et Harmonia Mundi, ont fait preuve d'une réelle ambition internationale. Toutefois il ne faut pas oublier des labels indépendants, tels Naïve et Alpha, qui pour être plus confidentiels n'en sont pas moins remarquablement actifs. Alia Vox distribue les enregistrements de Jordi Savall, ce qui n'est pas une mince affaire vu la cadence ahurissante entretenue par cet artiste d'exception. Enfin, toujours bon à savoir, le site d'achat en ligne, qobuz, propose à l'écoute une minute de chaque plage des CD qu'il distribue (malheureusement il ne les distribue pas tous ...).