Faits divers

Piano moderne hors des sentiers battus

Depuis son entrée en scène, il y a 200 ans au moins, le piano moderne s'est imposé comme l'instrument disposant du plus vaste répertoire. La plupart des compositeurs le maîtrisent plus ou moins bien, en tous cas s'en servent pour tester leurs idées, en improviser de nouvelles et éventuellement finaliser leurs partitions. Au 19ème siècle, quelques musiciens célèbres, John Field (1782-1837), Frédéric Chopin (1810-1849), Franz Liszt (1811-1886), Charles-Valentin Alkan (1813-1888), ..., lui ont même consacré l'essentiel de leur vie et cette pratique a perduré au début du siècle suivant, par la grâce d'autres grands virtuoses itinérants : Ferruccio Busoni (1866-1924) (7 Neue Klavierstücke), Leopold Godowky (1870-1938) (Arrangements divers), Serge Rachmaninov (1873-1943) (Etudes-Tableaux), NikolaÏ Medtner (1879-1951) (Contes de Fées), etc.

De nos jours, le piano continue d'exercer son pouvoir attracteur sur les compositeurs, quoique moins exclusivement. Cette chronique met en lumière quelques partitions peu connues, écrites au cours des 100 dernières années. L'ensemble est ordonné par thèmes et une courte introduction rappelle éventuellement quelques grands classiques dans chaque genre évoqué. Il ne constitue en aucun cas un inventaire complet qu'une encyclopédie en 10 volumes n'épuiserait probablement pas. Il met plutôt l'accent sur des musiques tombées prématurément dans les oubliettes de l'histoire ou tellement récentes qu'elles n'ont pas encore eu le temps d'entrer au répertoire. Aucune sonate ne figure à cet inventaire, ce genre à part entière ayant déjà fait l'objet d'une présentation détaillée sur ce site (Cf. La Sonate pour piano jusqu'à nos jours). Par contre, le lecteur fidèle et attentif retrouvera éventuellement, çà et là, quelques partitions mentionnées dans des chroniques antérieures. Les pochettes de CD affichées correspondent à des coups de coeur personnels que vous n'êtes nullement obligés de partager; il va de soi que leur inventaire n'est ni complet ni sans doute définitif.

Préludes sans fugues

A l'époque (pré)baroque, le prélude était assimilé à une improvisation préliminaire destinée à vérifier l'accord de l'instrument; avec le temps il est devenu la pièce introductive d'une suite de danses à l'ancienne. Le prélude pour piano est devenu un genre à part entière à l'époque romantique, entretenant des ambitions pédagogiques (Carl Czerny, 120 Préludes, opus 300) ou virtuoses (Charles-Valentin Alkan, 25 Préludes, opus 31). On doit le sommet du genre à Frédéric Chopin, qui a composé un cahier complet (opus 28), comportant 24 Préludes dans tous les tons, alternativement majeurs et mineurs, en respectant l'ordre des quintes. Cette oeuvre fondatrice a incité d'autres musiciens à écrire leur propre cycle, en particulier : Alexandre Scriabine, Felix Blumenfeld, Claude Debussy, Gabriel Fauré, Ferrucio Busoni et Serge Rachmaninov.

Note. L'ordre des quintes (..., sib, fa, do, sol, ré, la, mi, si, fa#, ...) a fait l'objet d'une présentation didactique dans une chronique antérieure (Gammes et Tempéraments, en abrégé G&T). En l'appliquant à la lettre, on s'attendrait à ce que les préludes de rangs impairs parcourent les tonalités majeures, dans l'ordre, do M, sol M, ré M, la M, mi M, si M, fa# M, poursuivant par do# M, sol# M, etc. En fait, Chopin a choisi (et les autres ont suivi) de poursuivre par les tonalités anharmoniquement équivalentes, réb M, lab M, etc. L'explication est qu'à l'époque de Chopin, le piano était définitivement accordé selon le principe du tempérament égal, ne faisant plus aucune différence entre les variantes anharmoniques (do# = réb, etc).

Les livres de préludes ont fleuri, dès cette époque, un peu partout en Europe et singulièrement en Russie, où ils ont mobilisé des musiciens aussi différents que pouvaient l'être, Dimitri Schostakovitch, Dimitri Kabalevsky, Nikolaï Kapustin (24 préludes en forme de jazz, opus 53), Boris Tchaïkovsky et plus près de nous, Lera Auerbach, dont l'opus 41 joue avec bonheur la carte d'une modernité respectueuse de (l'esprit de) la tradition. Un peu plus à l'Ouest, les 24 préludes, opus 102, du britannique York Bowen (1884-1961) sont également dignes d'intérêt mais ils ne sont pas seuls. J'ai gardé pour la fin les préludes en quarts de tons d'Ivan Wyschnegradsky (1893-1979), un musicien français d'origine russe, petit-fils d'un mathématicien connu dont il a manifestement hérité de quelques gènes portés vers la spéculation. C'est le facteur Foerster qui lui a livré, en 1829, le piano spécialement (dés)accordé dont il avait besoin pour asseoir ses théories microtonales. Enfin, on sait trop peu que le grand écrivain Anthony Burgess (1917-1993) aurait préféré qu'on le considère comme un musicien égaré dans la littérature plutôt que l'inverse. Un grand nombre de ses oeuvres sont perdues ou attendent d'être enregistrées. Le pianiste Richard Casey lui a pourtant consacré un CD où figurent ses 6 Préludes pour piano.

CD Préludes de Lera Auerbach

Préludes avec fugues

L'une des oeuvres fondatrices (sans doute bien malgré elle !) du grand répertoire pour piano est le double recueil des 24 préludes & Fugues de Johann Sebastian Bach. Le piano n'existant pas à l'époque de Bach, l'oeuvre a été écrite pour l'instrument dont il disposait, un clavecin accordé selon un tempérament jouable dans toutes les tonalités (Cf G&T). Dans cette oeuvre magistrale, les pièces alternent encore les tonalités majeures et mineures mais prises, cette fois, dans l'ordre naturel de la gamme, do, do#, ..., aux subtilités près qu'impose le choix d'un tempérament fatalement inégal à cette époque. L'oeuvre convenant aussi bien au tempérament égal, elle a été adoptée pour ne pas dire confisquée par des générations de pianistes soucieux de perfectionner leur technique ou d'améliorer leur phrasé. Encore actuellement, nombre d'entre eux, même professionnels de haut niveau, commencent invariablement leur journée en se déliant les doigts sur 6 ou 12 pièces du recueil comme d'autres font du yoga ou de la gymnastique. Ce monument a tellement intimidé les musiciens qui l'ont (re)découvert à toutes les époques que, pendant longtemps, plus grand monde ne s'est aventuré à réitérer l'exploit d'un cycle complet. En cherchant bien, on trouve l'un ou l'autre mini recueil résonant comme autant d'hommages à Bach (Felix Mendelssohn, 6 Préludes & Fugues, opus 35, Clara Schumann, 3 Préludes & Fugues, opus 16, Charles Gounod, 6 Préludes & Fugues, CG 587, etc). Composé en 1942, le Ludus Tonalis de Paul Hindemith, est un recueil contrapuntique apparenté, composé de 25 pièces, soit un prélude et un postlude encadrant en alternance 11 interludes et 12 fugues.

La commémoration des 200 ans de la mort de Bach, à Leipzig, a conduit Dimitri Schostakovitch à écrire enfin un nouveau cycle complet de 24 Préludes & Fugues (opus 87); il suit l'ordre des quintes. Ce monument de la littérature pour piano au 20ème siècle a donné des ailes à quelques compatriotes, libérés du poids de se retrouver en première ligne, en particulier, Rodion Schedrin (Polyphonic Notebook) et Nikolaï Kapustin (opus 82). Même d'illustres inconnus ont tenté le coup, tel Vsevolod Zaderatsky (1891-1953), un musicien broyé par le régime stalinien et qui s'est accroché à la vie en se plongeant dans son propre recueil. D'accord, ils ne sont pas très guillerets mais mettez-vous à la place de leur auteur, peu préparé à supporter les rigueurs du Goulag. C'est cette fois pour commémorer les 300 ans de la naissance de Bach qu'Anthony Burgess, déjà évoqué ci-avant, a composé son propre cycle de 24 Préludes & Fugues; Stephane Ginsburgh vient de l'enregistrer chez Grand Piano, un label particulièrement précieux pour les amateurs de piano sortant des sentiers battus.

CD Préludes de Rodion Shchedrin

Etudes

Le genre "Etude" explore traditionnellement les possibilités virtuoses de l'instrument, comme chez Franz Liszt (12 études d'exécution transcendante), et y ajoute éventuellement une touche expressive et/ou poétique comme chez Frédéric Chopin (opus 10 et opus 25), Charles Valentin Alkan (12 études opus 39), Alexandre Scriabine (8 études opus 42), Claude Debussy (12 études), Sergei Lyapunov (12 études d'exécution transcendante) et Serge Rachmaninov (17 études-tableaux). Le grand virtuose, Leopold Godowky, a même relevé le défi de composer 53 études d'après les études de Chopin (entre 1893 et 1914).

De nos jours, la même hésitation entre virtuosité pure et expressive subsiste : si le recueil des 18 études de György Ligeti appartient incontestablement à la première tendance, celui de Kaikhoshru Sorabji (100 études d'exécution transcendante) se répand dans une autre dimension nettement ésotérique, héritée de Scriabine. Ce pianiste indien a vécu l'essentiel de sa longue existence (1892-1988) à l'écart des hommes et des courants artistiques de son temps. Bien que sa production pour piano ait été colossale, elle est encore largement méconnue par défaut d'édition. On appréciera d'autant mieux l'initiative de Frederik Ullen, qui a enregistré les études pour le label BIS.

Parmi les oeuvres récentes, épinglons les 12 études dans tous les tons mineurs que le pianiste Marc-André Hamelin a composées pour son usage personnel en concert (Hamelin a aussi enregistré un peu de Sorabji). Toutefois, mon coup de coeur est l'ensemble des 20 préludes écrits, dans un certain désordre, par Philip Glass sur une période de 11 ans (1991-2012), inhabituellement longue pour lui. Ce détail est important tant il est vrai que Glass, à qui l'on reproche (parfois injustement) de bâcler des oeuvres toujours les mêmes, n'est jamais meilleur que lorsqu'il prend le temps de répondre à une commande intérieure. Ces deux recueils de 10 études chacun devaient servir au perfectionnement de la technique pianistique de leur auteur jusqu'à ce que celui-ci se rende compte que d'autres interprètes faisaient nettement mieux (Nicolas Horvath a présenté l'ensemble complet au Carnegie Hall de New York en 2015). Cette oeuvre pourtant récente a de fait déjà connu une dizaine d'enregistrements ce qui est exceptionnel en musique contemporaine, en particulier ceux de Víkingur Ólafsson et de Maki Namekawa.

CD Etudes de Glass

Note. Le Nocturne a été un autre mode d'expression prisé des romantiques, en particulier de Frédéric Chopin (21 oeuvres réparties entre les opus 9, 15, 27, 32, 37, 48, 55 et 62). Comme son nom l'indique, il s'agit d'une pièce rêveuse qui se berce du calme de la nuit; elle s'anime éventuellement dans la partie centrale de sa structure ABA. On attribue la naissance du genre à John Field (1782-1837), un pianiste amateur extrêmement doué, né à Dublin et mort à Moscou après avoir joué à travers toute l'Europe.

Ce genre plutôt typé s'est peu exporté au 20ème siècle, sauf à ses débuts (Debussy, Scriabine, Rachmaninov, Fauré, Poulenc, cependant souvent des oeuvres de jeunesse) ou chez quelques musiciens franchement nostalgiques d'une époque révolue, tel Lowell Liebermann (1961- ) (Nocturnes n°4 opus 38, n°5 opus 55, n°8 opus 85).

Variations

Les cycles de variations sur un thème, original ou emprunté, font partie des grands classiques du répertoire, Comme rappelé dans une chronique antérieure (Cf Goldberg, Diabelli et les autres), le genre est dominé par les (Variations) Goldberg de Bach et les Diabelli de Beethoven dont les grands compositeurs romantiques ont suivi les traces (Robert Schumann, Johannes Brahms, Max Reger, ...). Je ne peux dès lors qu'insister lourdement sur ces merveilles composées par Georges Rochberg (Partita Variations, que vous trouverez dans l'intégrale pianistique en 4 CD parus chez Naxos. Le volume 3 propose également Variations sur un thème original), George Tsontakis (Ghost Variations, procurez-vous plutôt l'interprétation du toujours excellent Stephen Hough parue chez Hyperion) et Frederic Rzewski (Variations sur le thème "The people will never be defeated", interprétées par l'auteur en personne; ce cycle fait partie des oeuvres contemporaines les plus souvent enregistrées).

CD Rochberg
CD Rzewski
CD Tsontakis

 

Bagatelles

C'est Beethoven qui a donné ses lettres de noblesse à ce genre présumé mineur au vu des son appellation originelle (Kleinigkeiten = petites choses). Le grand compositeur a publié sous ce titre trois recueils de 7, 11 et 6 pièces, respectivement (opus 33, 119 et 126) sans compter un certain nombre de pages isolées dont la (trop) célèbre "Lettre à Elise" (WoO 59). Les opus 119 et surtout 126 sont de fait du meilleur Beethoven.

Plus grand monde ne s'est aventuré à écrire des bagatelles pendant 100 ans jusqu'à ce que Bela Bartok se jette à l'eau dans 14 Bagatelles opus 6. Ecoutez encore ces 5 bagatelles sérielles (et sérieuses) composées par Elisabeth Luytens.

Je ne vous cache pas que l'évocation de ce genre a priori anodin me sert surtout de prétexte pour vous faire partager les adorables bagatelles composées par Valentin Silvestrov dans son style infiniment nostalgique.

CD Bagatelles de Silvestrov

Minimalisme

S'il fallait chercher un précurseur au mouvement minimaliste, effectivement né aux USA dans les années 1960 (Cf Les pionniers du minimalisme aux USA), on le trouverait sans doute du côté de l'oeuvre d'Erik Satie voire de Matthias Hauer qui pourrait revendiquer sa part de reconnaissance (Pour en savoir davantage reportez-vous aux chroniques consacrées à ces deux musiciens hors norme : D'Erik Satie à John Cage et Josef Matthias Hauer).

De nos jours, le mouvement n'a pas faibli mais il a diffusé en Europe où toutes sortes de variantes ont prospéré : survitaminée (Alexandre Rabinovitch) ou rêveuse (encore Alexandre Rabinovitch), obsessionnelle (Simon Ten Holt), athlétique (Tom Johnson), mystique (John Tavener), planante (Arvo Pärt) ou tout simplement divertissante et ludique (Jeroen van Veen).

CD Bagatelles de Simon ten Holt
CD Bagatelles d'Alexandre rabinovitch

Atonalité libre

Il serait impensable, dans une chronique qui se veut sérieuse, d'ignorer l'épisode d'atonalité libre puis franche qui a marqué la période d'entre-deux-guerres. Les contributions d'Arnold Schönberg sont de fait incontournables même s'il faut un minimum de concentration pour apprécier à leur juste hauteur les 6 Pièces opus 19 et les 5 Pièces opus 23.

J'aurais pu poursuivre l'historique en incluant les élèves diversement zélés, Alban Berg et Anton Webern, mais je suis nettement plus pressé de vous faire connaître l'élève indiscipliné, Erich Apostel, moins soucieux du respect scrupuleux de la grammaire contraignante du langage à 12 sons. La pianiste Thérèse Malengreau vient d'enregistrer, chez BIS, un CD consacré à ce compositeur et qui propose en particulier deux oeuvres passionnantes (Kubiniana et 10 Variations), puisant leur inspiration dans les tableaux expressionnistes des peintres, Alfred Kubin (1877-1959) et Oscar Kokoshka (1886-1980).

Enfin je tiens décidément à refaire un peu de publicité pour l'oeuvre de Josef Matthias Hauer, le rival malheureux de Schönberg en matière de dodécaphonisme (Cf Refusez la copie, exigez l'original !). Hauer a volontairement tenté d'écrire la musique la plus impersonnelle qui soit et le miracle est qu'il y est parvenu avec une qualité d'expression étonnante vu l'économie des moyens. On commence enfin à voir paraître des enregistrements de ses oeuvres, en particulier des Zwölftonspiele pour piano, ce n'est pas trop tôt !

CD Matthias Hauer
Matthias Hauer (1883-1959)
CD Erich Apostel
Erich Apostel (1901-1972)

Quelques cas Isolés

Ce paragraphe regroupe des oeuvres éparses de trois valeureux musiciens n'ayant pas trouvé place ci-avant. Etant extensible, il pourra faire l'objet d'ajouts circonstanciés à mesure que je recevrai des courriers courroucés au motif que l'un ou l'autre musicien négligé n'a même pas été évoqué.

  • Poète, peintre et musicien de talent, Georges Migot (1891-1976) fait partie de ces artistes qui ont beaucoup créé et dont la postérité n'a retenu qu'un tout petit nombre d'oeuvres. Il a reçu l'enseignement des meilleurs professeurs de son temps qui lui ont reproché de n'en faire qu'à sa tête. De nos jours volontiers rebelles, voilà qui devrait nous le rendre sympathique à tout le moins nous donner l'envie d'écouter ce qu'il a à nous dire. Qui a jamais entendu l'une de ses 13 symphonies et qu'attendent les éditeurs pour se pencher sur elles ?  Florent Schmitt commentant ses oeuvres, ne les trouvaient ni banales ni faciles, cela devrait faire réfléchir.  Bruno Pinchart s'est même fendu d'un hommage flamboyant pourfendant l'idée sciemment répandue par Pierre Boulez, qu'entre lui et Claude Debussy, il n'y a point eu de musique française digne de ce nom.  Selon Pinchart, George Migot pourrait constituer un contre-exemple parfait.   En tous cas, son oeuvre pianistique majeure, Zodiaque, 12 Etudes de concert, s'impose de fait comme un réel chef-d'oeuvre.  Elle a été enregistrée par Stephane Lemelin sur un double CD indispensable à votre collection.
  • Ne quittons pas le Zodiaque pour lequel Georges Crumb, déjà présenté sur ce site, a également écrit un vaste cycle, Makrokosmos, pour piano amplifié, un clin d'oeil sans doute au lointain Mikrokosmos (Etudes 84 à 96) de Bela Bartok. Cette musique pas si facile mérite d'être écoutée avec attention tant chaque détail compte, en particulier dans les diverses interprétations; personnellement, je préfère les versions de Robert Groslot ou d'Ellen Ugelvik. Crumb fait partie du cercle très fermé des chercheurs qui trouvent, profitez-en.
  • Je vous ai gardé le meilleur pour le dessert. Clarence Barlow (1945- ) est un citoyen du Monde : d'ascendance anglo-portugaise, il a commencé ses études musicales à Calcutta, sa ville natale, puis les a poursuivies à Londres, Cologne et Utrecht. Ayant un temps enseigné la sonologie (son domaine de recherche) à La Haye, il travaille actuellement à l'Université de Santa Barbara (Californie). Bien que ses investigations l'aient poussé à s'intéresser aux possibilités de l'informatique en composition et instrumentation musicales, il est resté fermement attaché à l'instrumentarium traditionnel lui réservant quelques-unes de ses plus belles oeuvres. Barlow est un musicien différent et à bien des égards exceptionnel, en particulier hélas, à cause de la rareté de ses enregistrements. Un CD (Musica Derivata) doit retenir votre attention en priorité : il propose 4 oeuvres extraordinairement stimulantes dont ces Variazioni e un pianoforte meccanico, qui déconstruisent progressivement l'arietta final de la Sonate opus 111 de Beethoven. Aucun sacrilège là-dessous mais un époustouflant exercice de style. Un autre CD, paru chez Cybele, propose son Ludus regalis, 13 Préludes & Fugues regardant comme tant d'autres vers Bach. Vous y trouverez, en complément, une autre partition, aussi indéchiffrable dans ses portées que dans son titre imprononçable (sauf pour un Turc) Çoǧlu otobüs işletmesi.
CD Musica Derivata
CD Musica Derivata
CD Musica Derivata

Pianistes compositeurs

Les exemples de Chopin et de Liszt (mais aussi de Field, Alkan, Godowsky, Busoni, ...) nous rappellent que la frontière a toujours été floue entre les pianistes-virtuoses et les compositeurs-interprètes. Cela reste vrai aujourd'hui : outre Frederic Rzewski et Marc-André Hamelin déjà évoqués, d'autres pianistes s'impliquent actuellement dans la composition, en particulier Steffen Schleiermacher et, dans un style très différent, Fazil Say (Extrait d'un beau CD paru récemment et incluant un hommage au providentiel Atatürk, sa façon à lui de protester contre le régime du Président Erdogan). On trouve même des perles en cherchant bien, comme cet hommage à Bach, enregistré par Aleksander Debicz. Il complète son récital par trois Toccatas de son invention, c'est le cas de le dire. Voilà de la musique classique, au sens premier du terme, mais bien faite.