Compositeurs négligés

Charles Koechlin

Charles Koechlin
Charles Koechlin

Les décennies qui ont encadré l'année 1900 ont révélé la musique française à son meilleur niveau grâce en particulier à trois compositeurs de génie, Gabriel Fauré (1845-1924), Claude Debussy (1862-1918) et Maurice Ravel (1875-1937). Plusieurs musiciens à peine moins importants les ont entourés, Ernest Chausson, Vincent d'Indy, Albéric Magnard, Albert Roussel, etc ..., vous compléterez la liste en consultant la chronique consacrée à la Musique française. L'un d'entre eux, Charles Koechlin (1867-1950), a inexplicablement occupé une place en retrait alors que son oeuvre magistrale mérite la plus grande considération.


Note. En France, Koechlin se prononce "Kéklin" ("oe" = "é" comme dans oesophage, Oedipe et oenologie et "ch" = "k" comme dans cochlée). Toutefois il existe une controverse au sujet du "oe", entretenue par ceux (minoritaires) qui estiment que la famille étant d'origine (suisse) alémanique, le phonème "oe" devrait logiquement se prononcer "eu" comme dans Goethe ou Moebius. Le plus amusant dans cette querelle phonétique, c'est que la plupart des locuteurs français prononcent habituellement (et incorrectement mais cela tend à devenir l'usage) : "Eudipe", "eusophage" et "eudème" !

Un arbre généalogique peu banal

Charles Koechlin est né au sein d'une grande et illustre famille : son arbre généalogique ascendant déployé jusqu'à la septième génération est gigantesque au point de ne tenir dans aucun espace raisonnable (Zoomez autant de fois que nécessaire sur l'arbre précédent ou contentez-vous de l'arbre fortement élagué reproduit ci-dessous !). Outre qu'il est tentaculaire, il est incroyablement riche en personnalités éminentes dans tous les domaines de la science et de la technologie.

A la première génération on trouve évidemment les parents de Charles, Jules Koechlin et Camille Dollfus, tandis qu'à la septième apparaît le négociant Nicolas Bernoulli, point de départ d'une saga familiale qui allait marier, à répétition et pendant plus de deux siècles, quelques-unes des familles les plus savantes de Suisse et (ensuite) de l'Est de la France : les Bernoulli, Dollfus, Koechlin, Curie, Friedel, etc.

Arbre ascendant de Charles Koechlin
De Jean Bernoulli à Charles Koechlin
(D'après Michel Hau, Cf Note infra)

L'histoire commence véritablement à la sixième génération avec deux fils de Nicolas, les éminents mathématiciens, Jacques Bernoulli (1654-1705), l'un des pères fondateurs du calcul infinitésimal mais resté sans descendance marquante, et son frère, Jean Bernoulli (1667-1748), maître du grand Leonhard Euler (1707-1783) et ancêtre d'une longue lignée de savants à commencer par ses fils, Daniel, Nicolas et Jean Jr. L'excellence scientifique s'est propagée jusqu'au 20ème siècle avec les Prix Nobel de physique, Pierre Curie (1903) et Pierre-Gilles de Gennes (1991), et de chimie, Irène (Joliot-)Curie (1935) ! En bref, Charles Koechlin est un arrière-arrière-arrière-arrière-petit-fils de Jean Bernoulli.

Parmi les nombreux autres descendants de Jean Bernoulli, on trouve un grand nombre de chercheurs, d'inventeurs, d'entrepreneurs et surtout d'ingénieurs dont Maurice Koechlin (1856-1946), le véritable concepteur, avec Emile Nouguier, du projet de la Tour Eiffel avant que son patron, Gustave Eiffel, n'en rachète les brevets.

Etude prélimaire pour une Tour
Croquis (Maurice Koechlin)

Au bilan, par le jeu de mariages successifs y compris entre cousins plus ou moins éloignés, on finit par trouver majoritairement des Koechlin et des Dollfus à tous les étages de l'arbre familial dont une version plus complète est consultable ici, page 1681.


Note. Cet arbre apporte une réponse à la question mille fois posée de comprendre comment il est possible de peupler un arbre ascendant au départ d'un humain quelconque, sachant qu'en théorie du moins, le nombre des ancêtres double à chaque génération. En tablant pour faire simple sur 3 générations par siècle, on en dénombrerait 60 rien qu'en remontant jusqu'en l'an zéro de notre ère, ce qui nécessiterait de trouver 259 (= 576460752303423488 !) individus différents de chaque sexe, situation évidemment impensable. La réponse à ce faux paradoxe repose sur l'existence de mariages endogames entre cousins plus ou moins éloignés qui divisent à chaque fois par deux le nombre d'ancêtre distincts (Les naissances issues de remariages sont un autre facteur de division). L'excellente longévité de la lignée de Jean Bernoulli montre que gérés de manière responsable, les croisements multiples entre plusieurs familles ne présentent pas de risque d'accidents génétiques supérieur à la moyenne. Le lecteur qui souhaiterait en apprendre davantage sur l'histoire de la descendance de Jean Bernoulli peut consulter l'article de l'historien Michel Hau, La transmission d'un caractère culturel : les dynasties de scientifiques, publié dans le Bulletin de l'Académie nationale de Médecine, Vol. 193 n°7, 1679-1692 (2009). L'auteur y a inséré deux fragments généalogiques utiles pour comprendre l'immixtion à une génération de distance des familles Dollfus et Koechlin et il y a tenté une explication possible de la persistance de l'excellence intellectuelle observée : sur le long terme, elle ne serait pas à chercher du côté de caractères génétiques impossibles à préserver intacts sur une durée aussi longue mais plutôt sur la rigueur de l'éducation réservée aux enfants dans les familles protestantes germaniques et en particulier sur le degré d'implication de mères instruites. Un phénomène similaire a été observé dans les familles juives.

Un musicien parmi une lignée de scientifiques

Comme nombre de ses congénères, Charles Koechlin a envisagé des études scientifiques et d'ailleurs il a réussi le concours d'entrée de l'Ecole Polytechnique. La tuberculose a cependant contrarié ses projets d'où il s'est réorienté vers la Musique, un domaine qui faisait également partie de ses centres d'intérêt (Il était aussi passionné d'astronomie) avec l'avantage d'être compatible avec une convalescence forcée. Refusé dans la classe de Théodore Dubois (Conservatoire de Paris - en cause son âge trop avancé, 23 ans ! - ), il est entré deux ans plus tard dans celles tenues par Jules Massenet et André Gédalge. Il a également suivi en privé les leçons de César Franck et Gabriel Fauré. Note. Massenet a fait fortune à l'Opéra de Paris grâce à quelques oeuvres bien écrites pour la voix (Werther, Manon, Cendrillon,Thaïs, Don Quichotte, etc) quoique dans un style un brin daté. Il a également brillé en musique instrumentale, hélas on manque d'enregistrements irréprochables (Brillant Concerto pour piano et habiles pages symphoniques, Suite n°1, Scènes pittoresques, alsaciennes, napolitaines, etc ...). Par contre, le compositeur Gédalge est aujourd'hui presque totalement oublié et les rares enregistrements disponibles n'arrangent pas ses affaires (Concerto pour piano).

L'autobiographe

Les biographies de Koechlin ne courent pas les rues, d'ailleurs toute sa vie l'homme a autant peiné à se faire connaître qu'à faire entendre sa musique.

Vers ses 70 ans, il s'est mis en tête de se raconter à la troisième personne dans un texte autobiographique qu'il comptait publier dans les colonnes de la "Revue musicale". Le projet n'a cependant pas abouti, l'éditeur ayant craint un discours apologétique. Il n'avait pas tout-à-fait tort : fréquemment malmené par quelques collègues indifférents à son Art, Koechlin en a profité pour leur rendre la pareille en leur décochant quelques flèches acerbes. L'autobiographie a pourtant fini par paraître dans la même "Revue musicale" mais 30 ans après la disparition de Koechlin, dans le cadre d'un hommage tardif. Cette chronique a puisé dans ce texte car même enjolivées, les informations sont à tout le moins de première main.

De nombreux écrits originaux nous sont parvenus, qui ont été rassemblés et annotés par le musicologue canadien Michel Duchesneau. On y trouve des textes de conférences et des articles traitant de l'évolution du langage musical de Koechlin à une époque charnière de l'histoire.

Le compositeur, son style et ...

Les débuts de Koechlin comme compositeur ont été difficiles et la guerre 1914-18, qu'il a vécue comme un déchirement personnel, n'a rien arrangé lui causant une panne d'inspiration de deux ans au moins. Peinant pour le reste à vivre correctement de sa musique, il a heureusement pu rentabiliser ses dispositions naturelles pour la recherche et l'enseignement : d'un côté, il a formé quelques élèves promis à un bel avenir (Francis Poulenc, Maxime Jacob, Germaine Tailleferre, Henri Sauguet, Cole Porter, ...) et de l'autre, il a rédigé plusieurs traités d'analyse musicale qui font encore autorité de nos jours (Étude sur les notes de passage (1922), Précis des règles du contrepoint (1927), Traité d'harmonie (1928, trois volumes), plus quelques exposés davantage didactiques (Étude sur l'écriture de la fugue d'école (1933), Étude sur les instruments à vent (1948) et un monumental Traité de l'orchestration (1941), publié un siècle après celui de Berlioz).

Bon élève, il a mis ses propres leçons en pratique dans l'orchestration du Pelléas et Mélisande de Fauré (1898), du ballet Khamma de Debussy (1912), de la Bourrée fantasque de Chabrier (1924, attention, la version entendue habituellement, moins savante mais plus légère, est due au chef Felix Mottl) et, plus étonnant, du ballet Within the Quota de Cole Porter (1923). Ces travaux dirigés ont assuré la réputation d'orchestrateur de Koechlin, une compétence qui ne lui a jamais été contestée.

Toute sa vie, Koechlin s'est intéressé à l'émergence des musiques nouvelles. En 1909, il a cofondé, avec Maurice Ravel et Florent Schmitt, la Société musicale indépendante, dans le but de contrer la conservatrice Société Nationale de Musique (SNM), fondée en 1871 par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns et défendue par Vincent d'Indy. Tempérons cependant en faisant observer que ses leçons de modernité sont largement demeurées sous contrôle et de fait, ses plus brillants élèves (Poulenc, Tailleferre, Sauguet, ...) n'ont jamais compté parmi les musiciens les plus révolutionnaires de leur temps surtout si on les compare à ceux issus de la classe rivale d'Olivier Messiaen.

En 1928 et 1929, Koechlin a donné des Cours d'été à l'Université de Berkeley, dans le cadre d'une mission de propagande en faveur de la culture française aux USA. Il y a en particulier plaidé pour une remise en cause du système tonal auquel il reprochait d'abuser des attractions entre certains degrés de la gamme (sensible, tonique, (sous)dominante) pour des résultats certes confortables pour l'oreille mais stéréotypés. Il a au contraire insisté sur les possibilités liées à la polytonalité (Paysages et marines opus 63), une technique développée par Darius Milhaud (1892-1974), et surtout sur un retour possible aux anciennes formes modales dont il estimait qu'elles étaient loin d'avoir épuisé leurs effets (5 Chorals sur des modes médiévaux opus 117bis, Shéhérazade II opus 84, Fugues modales opus 114, Sonatine modale opus 155a, 15 Motets archaïques opus 225). Note. Rappelons que la modalité s'intéresse à des partitions de l'octave autres que celles prévues par les intervalles classiques, majeurs et mineurs. Koechlin a rassemblé quelques-unes de ses recommandations dans un "Traité de Polyphonie modale" et un "Solfège modal", deux ouvrages apparemment et inexplicablement demeurés inédits (1932).

Il n'a fait que de rares incursions dans le domaine atonal : remarquable Ballet Voyages, 4 Interludes opus 214 (Oeuvre longtemps demeurée inédite et ressuscitée par Otfrid Nies, l'un des grands spécialistes de Koechlin) et Scherzo des Bandar-logs opus 176 (à partir de 2:10, où l'on entend les singes Bandar-logs se bagarrer sur une musique délibérément tintamarresque). Koechlin a bien précisé que cette partition n'était nullement une attaque contre la modernité mais plutôt une satire des compositeurs qui veulent être à la mode à n'importe quel prix.

Par contre, il a opéré de fréquents retours (contrapuntiques) à Bach dans une longue liste de Fugues et Chorals diversement habillés (Chorals sur des thèmes de Bach opus 136, Offrande musicale sur le nom de Bach opus 187, 3 Chorals de la Douleur extraits du Dr Fabricius opus 202).

Au bilan, si le style de Koechlin n'a pas manqué d'audaces, celles-ci sont en permanence demeurées sous contrôle : même lorsqu'il s'est affranchi de la tonalité, Koechlin l'a fait avec modération, sans brusquer ses auditeurs. En évitant les répétitions motiviques, il a répandu une émotion contenue : les thèmes sont dissimulés, rarement explicites et encore moins hédonistes. De ce fait, il a souvent condamné sa musique à une austérité qui ne lui a pas été d'un grand secours pour se faire aimer de tous les publics, y compris des collègues dubitatifs, à l'exception de quelques amis fidèles tels, Maurice Ravel, Albert Roussel, Florent Schmitt et Darius Milhaud.

Si Koechlin n'a jamais passé pour un joyeux drille, il a montré en plus d'une occasion qu'il était capable de composer des pièces légères dignes de ses élèves Poulenc ou Sauguet (Ravissantes 4 Petites pièces opus 32). Reconnaissons cependant que ce n'était pas là son véritable ADN.

Lorsqu'en France, Pierre Boulez, un élève de Messiaen, a focalisé les attentions, il est devenu clair qu'il n'y aurait plus place de sitôt pour un musicien comme Koechlin et il a progressivement plongé dans un oubli relatif.

Il n'a rien tenté pour inverser la tendance. Incapable du moindre compromis qui aurait été contraire à ses convictions, il a rendu méfiants les responsables académiques et institutionnels : la succession au poste occupé par André Gédalge lui a été refusée en 1926, l'éditeur Durand a refusé de publier ses partitions et les chefs, Pierre Monteux et Hermann Scherchen, ont ouvertement renoncé à les programmer; c'était beaucoup pour un seul homme. C'est encore à Bruxelles qu'il a reçu le meilleur accueil, en particulier en 1946 lorsqu'il a enfin pu entendre intégralement son "Livre de la Jungle", dirigé par Franz André, l'excellent chef alors en fonction dans la capitale belge (Peu d'archives consultables malheureusement sauf cet Hymne à la Nuit extrait des Symphonies d'Hymnes).

Note. Bruxelles s'est montrée réceptive à l'art de bien des musiciens français de l'époque. Déjà le Théâtre de la Monnaie avait créé plusieurs opéras français refusés par l'Opéra de Paris : Hérodiade de Massenet, Gwendoline de Chabrier, Fervaal de D’Indy, Le Roi Arthus de Chausson, Les Malheurs d’Orphée de Milhaud et Antigone d'Honegger. C'est aussi le musicologue (et chimiste !) Paul Collaer (1891-1989), grand animateur de la vie musicale belge, en particulier fondateur des Concerts Pro Arte (1922), qui a programmé un grand nombre d'oeuvres d'Erik Satie, du Groupe des Six, d'Albert Roussel, d'Henri Sauguet, d'Alban Berg, de Paul Hindemith, de Béla Bartók, d'Arnold Schoenberg et ... de Charles Koechlin.

... et son oeuvre

Koechlin a composé plus de 250 oeuvres mais son catalogue publié n'en reprend que 226). Elles se répartissent entre tous les genres usuels sauf l'opéra, absent, et la musique d'église, peu présente. Chose étonnante pour un musicien aussi peu connu, une part non négligeable de son catalogue enregistré est disponible sur le site des Classical Music Playlists (CMP pour la suite), rangé dans l'ordre croissant des numéros d'opus; certaines références sont éventuellement mentionnées dans le texte par un renvoi explicite.

1. Les mélodies. Les premières oeuvres composées par Koechlin avant 1900 ont assez naturellement été inspirées par l'exemple du Maître Fauré et son goût pour la mélodie. En fait, Koechlin n'a jamais cessé d'en composer, à commencer par les 5 Rondels opus 1 et les Poèmes d'Automne opus 13. Un grand nombre de ces mélodies ont été orchestrées, révélant les compétences instrumentales du musicien (4 Poèmes d'Haraucourt opus 7, 3 Mélodies opus 17, merveilleux 3 Poèmes du Livre de la Jungle opus 18 (CMP 43), 2 Poèmes d'André Chénier opus 23, 4 Mélodies opus 28, Le Sommeil de Canope opus 31 (CMP 53 & 54) et les deux recueils intitulés Shéhérazade (Livre I opus 56 et Livre 2 opus 84). Parmi les beaux enregistrements disponibles, on s'attardera sur le récital de Michèle Command et sur l'admirable florilège rassemblé par la soprano canadienne Claudette Leblanc (Une parution Hyperion où l'on trouve les 7 ravissantes Chansons pour Gladys opus 151).

Récital Claudette Leblanc
Récital Michèle Command

2. Les oeuvres pour clavier ont été enregistrées par le pianiste allemand Michael Korstick (3 CD parus chez Hänssler Classic). Le Vol 3 propose les charmantes 5 Sonatines opus 59, les 12 Esquisses opus 41 (CNP 77, a-t-on jamais entendu une courbe mélodique plus simplement parfaite que celle de la deuxième esquisse ?) et surtout L'ancienne Maison de Campagne opus 124. Le Vol 1 propose Paysages et marines opus 63 ou encore l'arrangement pour clavier du Deuxième album pour Lilian opus 149 (Une oeuvre Initialement prévue pour flûte, ondes Martenot, clavecin & piano). Quant au Vol 2, il propose les 16 pièces constituant les Heures persanes opus 65, sans doute l'oeuvre de Koechlin la plus souvent enregistrée, éventuellement dans la version orchestrée par Koechlin, Cf le §4. Comparez avec la version de Kathryn Stott et attardez-vous sur La Caravane (n°2). Parmi les oeuvres à 4 mains, mentionnons la belle Suite opus 19 (CMP 44) dont l'introduction en forme de canon sonne comme une réminiscence de Bach et les Sonatines françaises opus 60 (CMP 129 à 137), d'une gaîté contenue. Quelques oeuvres pour orgue illustrant le retour à Bach complètent un ensemble impressionnant de variété.

Récital Michael Korstick

3. La musique de chambre de Koechlin a poursuivi deux objectifs très différents :

1) Elle lui a servi de laboratoire où il a conçu un ensemble de travaux pratiques illustrant ses leçons d'instrumentation. Tous les instruments à vents y sont passés, en solo ou en combinaisons diverses, servis par des oeuvres didactiques et/ou inspirées : Cor (4 Petites Pièces opus 173, CMP 55 à 58, et 15 Pièces opus 180), Hautbois (15 Pièces opus 180, CMP 297 à 311), Cor anglais (Suite opus 185, CMP 321 à 324), Basson (3 Pièces opus 34, CMP 61 à 63, et Silhouettes de Comédie opus 193, CMP 369 à 380), Clarinette (CMP 170 à 175), Trompette (Beaux Chants de Kervélan opus 197, CMP 385 à 390) et Flûte (3 Pièces opus 184, CMP 312 à 320, et le cycle fleuve des Chants du Nectaire opus 198, CMP 391 à 458, 96 pièces soit 3 heures de musique indigeste à vocation thérapeutique !). Une mention spéciale s'impose pour les très belles pages consacrées au récent saxophone : 24 Duos opus 186, 15 Etudes opus 188 (CMP 355 à 368, ne manquez pas le superbe enregistrement paru chez Chandos) et les 24 Duos opus 186 écrits dans toutes les tonalités majeures et mineures.

2) A côté de ces oeuvres diversement fonctionnelles, on trouve naturellement des oeuvres pour formations classiques :

- Sonates pour piano et : alto opus 53 (CMP 105), violon opus 64, violoncelle opus 66 (CMP 143-5), mais aussi hautbois opus 58 (CMP 109), cor opus 70 (CMP 146-8), basson opus 71 (CMP 150-1), clarinette opus 85 & 86 (CMP 170-5), etc.

- Un Trio pour vents opus 92 (CMP 178), 3 Quatuors (n°1 opus 51, dont le motif initial se souvient de l'Esquisse opus 41/2, n°2 opus 57 (CMP 107) et n°3 opus 72 (CMP 106)), 3 Quintettes (L'un pour quatuor et clavier, opus 80 (CMP 167), l'une de ses oeuvres les plus prisées des spécialistes et les deux autres, nettement plus légers, pour instruments divers, "Primavera" I opus 156 (CMP 262) & II opus 223), enfin un Septuor pour vents opus 165 (CMP 273).

- Mentionnons enfin les 7 Monodies opus 174 pour Ondes Martenot, l'un des premiers instruments électrophones perfectionnés qui ne pouvait manquer d'intéresser le chercheur infatigable qu'était Koechlin.

Quintette à clavier
Oeuvres pour saxophone

4. L'oeuvre symphonique de Koechlin vaut surtout par ses Poèmes symphoniques; c'est dans ce domaine que ses qualités d'orchestrateur ont fait des merveilles au service de constructions atmosphériques (Vers la plage lointaine opus 43/2, Vers la voûte étoilée opus 129, Sur les Flots lointains opus 130).

Le chef-d'oeuvre incontournable du genre est assurément le polyptique en 5 parties inspirées du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling. C'est l'oeuvre de toute une vie dont la composition s'est étalée sur 40 ans : Trois Poèmes du Livre de la Jungle opus 18 (Berceuse phoque, Chanson de nuit et Chant de Kala Nag), La Course de Printemps opus 95, La Méditation de Purun Bhaghat opus 159, La Loi de la Jungle opus 175 et Les Bandar-log opus 176.

D'autres chefs-d'oeuvre doivent retenir votre attention : Le Docteur Fabricius opus 202, l'une de ses dernières oeuvres, la version orchestrale des Heures persanes opus 65, Le Buisson ardent opus 203, le beau Poème pour cor & orchestre (1927) et la Partita pour orchestre opus 205.

Koechlin a composé 4 Symphonies relativement atypiques dont deux seulement suivent le modèle classique (n°1 sans opus, n°2 opus 196). La Seven Stars Symphony opus 132 est l'hommage du cinéphile Koechlin à 7 acteurs hollywoodiens qu'il appréciait (Douglas Fairbanks, Lillian Harvey, Greta Garbo, Clara Bow, Marlene Dietrich, Emil Jennings et Charlie Chaplin). Il n'est pas si facile de trouver une interprétation convenable de cette oeuvre hors norme; ma préférence va à la version de l'orchestre de Bâle, dirigé par Ariane Matiakh (Enregistrement Capriccio). Quant à la Symphonie d'Hymnes (Au Soleil, Au Jour, À la Nuit, À la Jeunesse et À la Vie), elle n'est pas disponible à l'écoute, sauf l'extrait proposé ci-avant (dirigé par Franz André), .

Le label Hänssler Classic a confié à l'inattendu hautboïste et compositeur suisse, Heinz Holliger, le soin de diriger l'orchestre radio-Symphonique de Stuttgart dans 5 CD essentiels consacrés à l'oeuvre symphonique de Koechlin.

Album Heinz Holliger
Livre de la Jungle
7 Stars Symphony
La liberté avant toutes choses

C'est à dessein que j'ai multiplié les illustrations des pochettes de quelques-uns des meilleurs enregistrements disponibles d'oeuvres de Koechlin : ils ont majoritairement en commun de révéler le travail d'interprètes non français, une anomalie que l'on a déjà observée naguère à propos des oeuvres de Rameau et Berlioz.

Koechlin a toujours souhaité mettre son indépendance créatrice à l'abri des compromissions, suivant et enseignant ce principe que "Rien n'est plus vain que de proférer des interdits au nom d'une prétendue vérité historique qui tôt ou tard sera remplacée par une autre". N'ayant au bilan appartenu à aucune autre école que la sienne, il s'est enfoncé dans un fier isolement qui lui a coûté un manque flagrant de reconnaissance chez ses contemporains.

Il n'en a tiré aucune amertume : indépendant et conséquent dans ses choix, il s'est fait un devoir de ne solliciter l'aide de personne afin de promouvoir son oeuvre, préférant assurer sa liberté de créer. On lui a reproché l'austérité de sa musique, mâtinée d'intellectualisme. Ce n'était pourtant que la conséquence de ses origines alsaciennes, de son éducation huguenote et, qui sait, de ses aspirations scientifiques contrariées. Fidèle à ses convictions, il a préféré ignorer les critiques stériles pour suivre son credo : écrire pour lui-même, par nécessité intérieure et non pour plaire à un public versatile. Lassé de tous les malentendus qui ont jalonné son existence et des refus essuyés, il a, à son tour, refusé la Légion d'Honneur en 1940, sa manière de protester.

Nul n'est prophète en son pays et ce dicton s'est appliqué rigoureusement à Charles Koechlin, davantage apprécié partout ailleurs que dans son propre pays. Aujourd'hui les opinions se diversifient et les studios d'enregistrements réhabilitent progressivement ce musicien qui a au moins eu le mérite d'être différent, ce qui en Art - mais pas seulement - est souvent une vertu.