Si pour l'épicurien, l’Italie est la patrie du mariage de la roquette, du jambon de Parme et du parmesan, des pâtes aux coquillages et des glaces, j'en passe et des meilleures c'est bien le cas de le dire, pour l'homme cultivé, l'Italie est la patrie des arts de la Renaissance : un simple détour par n'importe quel village toscan réserve des trésors d'émotion artistique auxquels les nordiques ne sont pas habitués. Des arts de la représentation faut-il préciser, peinture, sculpture et architecture, car en musique il en fut tout autrement. Il a fallu attendre les années 1600 pour que l'Italie musicale s'éveille vraiment et impose une suprématie qui allait durer 100 ans, d'abord sous l'impulsion du génie de Monteverdi, ensuite des progrès de la lutherie crémonaise.
L'Italie n'a ensuite jamais retrouvé cette période dorée, sauf aux oreilles des amateurs d'art lyrique qui considèrent, avec quelques raisons, qu'aucun autre pays n’a tissé de liens plus intimes avec le chant, singulièrement de Monteverdi à Verdi. Même les tavernes italiennes ont souvent résonné du chant d'amateurs étonnamment doués, ne craignant pas d'aborder un répertoire qu'on croyait réservé aux professionnels. D'où peut venir ce privilège ? Peut-être la joie de vivre sous un soleil généreux, mais cela n’explique pas tout. Naguère, il suffisait de percher un peintre (en bâtiment) italien sur une échelle pour qu’il se mette à chanter O Sole Mio ou Santa Lucia. Immigré en Belgique, sous la pluie plus souvent qu’à son tour, il avait du mérite. D’ailleurs les grecs tout aussi habitués au soleil ne chantaient pas si bien, pas même au sommet d’une échelle.
Ce qui a créé le lien organique des gosiers italiens avec l'art vocal, c’est leur langue parlée, faite de voyelles largement ouvertes et d’une accentuation tonique particulière qui fait que lorsqu'un italien parle, il chante déjà. Si vous en doutiez, visionnez cette leçon de musique due à la plume de Domenico Cimarosa (Il maestro di Cappella).
La tradition populaire italienne est riche de belles mélodies que les grandes voix d’autrefois ont toujours conservées à leur répertoire. Core `ngrato, une romance napolitaine, a été chantée par les plus grands : Mario Lanza, Benjamino Gigli, Franco Corelli, Giuseppe Di Stefano, Ettore Bastianini, …, même Enrico Caruso. Si vous trouvez la pièce démodée, admirez au moins la vaillance vocale qu'elle exige. Dans un tout autre domaine, les polyphonies sardes n’ont rien à envier à leurs homologues corses mais au fond, la Corse n'est-elle pas plus proche de la Sicile que de la France ?
L'Italie, qui fut à la pointe de la Renaissance en architecture, peinture et sculpture, n'a pas immédiatement brillé des mêmes feux en musique. Certes, on écrivait de la bonne musique dans les palais florentins, mantouans ou vénitiens mais elle sortait majoritairement de la plume de musiciens importés, franco-flamands (Philippe Verdelot (1480-1530), Adriaan Willaert (1490-1562), Cipriano di Rore (1516-1565), Giaches de Wert (1535-1596)), hennuyers (Johannes Tinctoris (1435-1511)), namurois (Jacques Arcadelt (1507-1568)), liégeois (Johannes Ciconia (1370-1412)) voire bourguignons. Ne vous laissez pas abuser par l'italianisation de certains noms, c'était une coquetterie à la mode.
On sait fort peu de choses des musiciens authentiquement italiens de cette époque, pas même leurs dates exactes de naissance et de décès : celles mentionnées dans le texte sont souvent approximatives. Marchetto da Padova (1274-1326) (Ave corpus sanctum), Antonello da Caserta (???-???) (Amour m'a le cuer mis), Lorenzo da Firenze (???-1372) (A poste messe), Ghirardello da Firenze (1320-1362) (De poni amor a me) et Francesco Landini (1325-1397) (virelai Adiu, Adiu, dous Dame yolie) ont compté parmi les meilleurs imitateurs d'un style venu du nord.
Aussi diversement plaisantes qu'elles paraissent, les musiques de Jacopo da Bologna (1340-1386) (Fenice fu'), Giovanni da Cascia (???-???) (Per larghi prati), Vincenzo da Rimini (???-???) (Nell'acqua chiara), Antonio Zacara da Teramo (1350-1416) (Ciaramella me dolce), Paolo da Firenze (1355-1436) (Une incursion bienvenue dans l'Ars subtilior, introduit dans la péninsule par Ciconia), Bartolino da Padova (1365-1405) (La dolce Sere), Niccolò da Perugia (???-???) (O Sommo Specchio), Matteo da Perugia (1400-1416) (Ne me chaut ) ou Bartolomeo da Bologna (1405-1427) (Arte psalentes) ne proposent rien qui sorte du grand ordinaire qu'on servait un peu partout en Europe à la même époque.
Paolo da Firenze (1355-1436) fut sans doute le musicien le plus accompli de cette période : Era Venus al termin del suo giorno montre qu'il a parfaitement assimilé la technique alambiquée de l'Ars Subtilior, introduit par Johannes Ciconia. L'Ensemble Mala Punica qui aime cette courte période de l'histoire musicale a enregistré un beau CD "Narcisso Speculando" dont est extrait le très caractéristique Un c'osa.
En fait, la sensibilité italienne ne prédisposait guère ses musiciens aux exercices intellectuels de la polyphonie savante et Josquin Desprez (1450-1521) n'a pas connu de rival italien. Par contre, l'inspiration populaire, riche et variée, a trouvé un moyen d'expression dans la Frottola, une pièce courte basée sur une structure couplet/refrain. Marchetto Cara (1465-1525) (Angelo Bronzino), Giacomo Fogliano (1468-1548) (L'amor, dona, ch'io te porto) et Bartolomeo Tromboncino (1470-1535) (Ostinato vo' seguire) ont excellé dans ce genre relativement mineur.
Il a encore fallu attendre quelques décennies pour que la musique italienne prennent de belles couleurs grâce à Costanzo Festa (1485-1545) (Austère Jesu nazarene Cantica Symphonia et superbes Lamentationes Jeremiae), Sebastiano Festa (1490-1524) (Joyeuse Canzonetta, L'ultimo dì di maggio), Francesco da Milano (1497-1543) (Ricercare et Fantaisie pour luth), Vincenzo Ruffo (1508-1587) (Agnus Dei) et Vincenzo Galilei (1520-1591, le père du fameux astronome) (Passamezzo pour luth). Costanzo Festa est trop peu connu comme auteur d'une oeuvre étonnante, 125 (!) variations sur le thème de la Spagna : Paul van Nevel s'en est fait le défenseur dans un enregistrement demeuré confidentiel (variations 46 et 88).
Vers le milieu des années 1500, est apparu un art sophistiqué authentiquement italien, dit madrigalesque. Le madrigal, premier essai transformé d'une forme musicale transalpine savante et originale, a été abondamment illustré ailleurs sur ce site : n'insistons pas et rappelons simplement qu'il a culminé grâce au talent de trois musiciens de génie, Luca Marenzio (1553-1599), Carlo Gesualdo da Venosa (1566-1613) et Claudio Monteverdi (1567-1643).
Le tempérament italien a trouvé les conditions idéales de son développement musical dans la magnificence baroque. Musiques instrumentales et vocales, sacrées et profanes, ont aussitôt rivalisé d'inventions au sein d'un concert qui a commencé à prendre son sens moderne. Un artiste de génie, Claudio Monteverdi (1567-1643), a incarné les débuts de cet âge d'or qui allait durer un siècle.
Monteverdi est assurément un des plus grands compositeurs européens, le premier à avoir affiché une éternelle modernité : on peut dire qu'il y a eu l'avant et l'après Monteverdi. Cet artiste détient pourtant le triste record du plus grand nombre de partitions perdues, singulièrement des opéras (Arianna, Le Nozze d'Enea con Lavinia et une bonne douzaine d'autres). Quand on sait le prix des trois qui nous sont parvenus (Orfeo, Il Ritorno di Ulisse in Patria et L'incoronazione di Poppea), on demeure inconsolable. Il est possible que les oeuvres égarées correspondent à des travaux collectifs impliquant le concours d'élèves et que la dispersion du travail a entraîné celle des manuscrits. Rappelons, à l'appui de cette thèse, que le Couronnement de Poppée, l'oeuvre ultime du Maître, nous est parvenue en pièces détachées et que l'on a jamais vraiment élucidé la part prise par chacun, dont Cavalli, dans sa composition. D'ailleurs, le thème de l'air conclusif Pur ti miro, pur ti godo, assurément l'un des plus beaux duos amoureux de l'histoire de la musique, fut apparemment emprunté à l'opéra, Il Pastor regio, de Benedetto Ferrari, un musicien remarquable dont nous aurons à reparler. Tant que vous y êtes, réécoutez tout l'acte 3 de l'opéra dans la version Harnoncourt-Ponnelle et profitez de l'extraordinaire moment théâtral que procure le finale (à partir de 23 min 40 sec) : le couronnement de Poppée (Rachel Yakar), sa jubilation intérieure puis son duo magique avec Néron (Eric Tappy), la perfection est parfois de ce monde.
Davantage que les 9 livres de madrigaux, aucun mélomane digne de ce nom ne peut ignorer les oeuvres sacrées que Monteverdi a écrites pour Saint-Marc de Venise. Si les Vêpres de la Vierge ont été enregistrées un nombre incalculable de fois (ici, mises en espace à Saint-Marc, sous la direction de John Eliot Gardiner, excellent comme toujours), l'énorme recueil de la Selva Morale e Spirituale n'a pas bénéficié des mêmes attentions, ce qui est tout simplement scandaleux. Du coup, je conserve précieusement l'ancienne version de Michel Corboz qui, 50 ans après sa parution, chez Erato, n'a guère pris de rides tout en dispensant des heures de bonheur. Des pièces détachées sont plus facilement accessibles, telle ce Duo Seraphim datant du temps où René Jacobs nous enchantait encore de sa voix.
L'expression madrigalesque des sentiments appelait une action et sa mise en scène théâtrale. L'opéra est entré en gestation en Italie, peu avant 1600, le temps que divers compositeurs expérimentent des formes possibles :
Monteverdi mit, en fait, tout le monde d'accord en 1606 : la toccata initiale d'Orfeo a sonné l'avènement du baroque. Ce fut un coup de tonnerre semblable à ceux qui retentiront 200 et 300 ans plus tard à l'avènement des périodes romantique et moderne (L'Héroïque de Beethoven en 1804 et le Sacre du Printemps de Stravinsky en 1913). Les trois opéras montéverdiens, Orfeo, Ulysse et Poppée sont disponibles en plusieurs versions. On n'a jamais entendu meilleur Orphée que celui d'Eric Tappy (Corboz encore !) mais je ne suis pas certain que le CD reste disponible. Je ne vous querellerai cependant pas si vous préférez l'intégrale Harnoncourt (cfr supra), surtout qu'au DVD, vous profiterez de la mise en scène du regretté Jean-Pierre Ponnelle.
Monteverdi ne facilita pas la tâche de ses successeurs immédiats : Domenico Mazzocchi (1592-1665) (La Catena d'Adone), Francesco Cavalli (1602-1676) (superbe Ercole amante), Antonio Cesti (1623-1669) (Orontea), Agostino Steffani (1654-1728) (I Trionfi del Fato, Tassilone et le très émouvant Niobe, Regina di Tebe), Antonio Caldara (1670-1736) (La Clemenza di Tito) et Giovanni Battista Bononcini (1670-1747) (Il lamento d'Olimpia) firent de leur mieux, sans atteindre la même incandescence.
Antonio Vivaldi (1678-1741) apparaît comme le phénomène opératique du baroque finissant : on lui attribue au moins 50 oeuvres mais le compte n'est pas certain. La qualité de cette musique saute aujourd'hui aux oreilles : La Silvia, L'Oraccolo in Messenia, Tito Manlio, Farnace, Orlando finto Pazzo, Griselda, Armida, ..., impossible de citer tous les enregistrements récents, parus chez Virgin ou dans le cadre de l'Edition Vivaldi en cours chez Naïve jusqu'en 2015. Ne vous étonnez pas d'entendre parfois des mouvements entiers déjà entendus ailleurs, c'est l'illustration de la méthode du pasticcio, recyclage d'oeuvres antérieures, un procédé très répandu à une époque où il fallait produire à tour de bras.
Quelques musiciens moins essentiels ont écrit des oeuvres parfaitement estimables : Domenico Scarlatti (1685-1757) (Ottavia Restituita al Trono), Nicola Porpora (1686-1768) (un des grands pourvoyeurs d'airs virtuoses pour le castrat Farinelli : Polifemo) et surtout Leonardo Vinci (1690-1730) (La Partenope, Artaserse, Catone in Utica). Voilà un génie (méconnu), normal me direz-vous, avec un nom pareil, n'empêche qu'il n'est pas de la famille de l'illustre inventeur. Même des musiciens parfaitement inconnus ont écrit de belles choses, tels Geminiano Giacomelli (1692-1740) (Merope, bien servi par Cecilia Bartoli), ou l'étonnant Riccardo Broschi (1698-1756) (Merope, Idaspe).
Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) a illuminé de son génie éphémère la génération suivante. Ne passez pas à côté de son opéra, Lo Frate 'nnammurato, il contient tous les ingrédients du Pulcinella de Stavinsky, amusez-vous à les repérer.
L'opéra italien a poursuivi son chemin grâce, entre autres, à Niccolò Jommelli (1714-1774) (Armida Abbandonata), Gennaro Manna (1715-1779) (Lucio Papiro dittatore) et Antonio Mazzoni (1717-1785) (Aminta) et l'opéra "à l'italienne", en langue originale s'il vous plaît, s'est rapidement imposé sur toutes les scènes d'Europe, particulièrement bien servi par deux grands saxons, Georg Friedrich Haendel (1685-1759) et Johann Adolph Hasse (1699-1783).
La musique vocale profane a également épousé des formes plus modestes (beaucoup de cantates), voire plus légères. Bon nombre de tubes baroques datent du début des années 1600, au répertoire des meilleurs groupes actuels (Arpeggiata, Accordone, ... ) : Stefano Landi (1586-1639) (Passacaglia della Vita, magique quand elle est chantée par Marco Beasley), Francesco Manelli (1594-1667) (sans doute celui qui s'est caché sous le sobriquet "Il Fasolo" : La Barchetta passaggiera, Son ruinato, appassionato, Acceso mio Core), Tarquinio Merula (1595-1665) (Folle è ben che si crede, adorable Raquel Andueza !), Virgilio Mazzocchi (1597-1646) (superbe cantate, Sdegno Campion Audace), Benedetto Ferrari (1597-1681) (Amanti, io vi so dire) et la liste ne s'arrête évidemment pas là.
Frappée de plein fouet par les exigences de la Contre-Réforme et d'un retour vers la simplicité dans la célébration du culte, la musique d'église italienne, singulièrement romaine, a vécu quelques années difficiles, au cours desquelles le génie de Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), acteur (musical) principal du Concile de Trente (1545-1563), s'est trouvé particulièrement bridé. Les musiciens éloignés de la papauté, voire carrément exilés dans les cours germaniques, furent moins atteints dans leur créativité et de fait, Annibale Padovano (1527-1575) n'a pas hésité à se lancer dans une Missa a 24, richement instrumentée. A Venise, Andrea Gabrieli (1533-1595) (Magnificat a 12 et Enigma Communion O sacrum Convivum a 5, ici dans une superbe interprétation dirigée par Paul McCreesh) a fait preuve de la même indépendance, annonçant le faste des oeuvres de son neveu Giovanni Gabrieli (1557-1612) pour Saint-Marc (Canzon Terza à Quattro, Omnes Gentes a 16). On décèle chez le maître Marco Antonio Ingegneri (1535-1592) (Officium Hebdomadae Sanctae) les germes de la nouvelle pratique que développera son élève, Monteverdi. Quant à Alessandro Striggio (1537-1592), il n'hésita pas à flirter avec la démesure dans ses deux Messes (à 40 & 60 voix !), les recommandations du Concile sont décidément bien loin !
Les messes ultérieures revinrent à des proportions plus raisonnables : Giacomo Antonio Perti (1661-1756) (Messa a 8 per San Domenico), Antonio Lotti (1667-1740) (Missa del sesto tuono), Benedetto Marcello (1686-1739) (Requiem vénitien), ... .
Alors que la Messe mise en musique existait depuis la Renaissance, l'oratorio est né en même temps que l'opéra. Il se présente effectivement comme une "opératisation" des épisodes de la Bible en-dehors de toute mise puisque cela était interdit par l'Eglise. Le genre a immédiatement fait fortune, les oratorios fleurissant par centaines au point qu'on ne cesse d'en exhumer aujourd'hui :
Stefano Landi (1586-1639) (Il Sant'Alessio), Luigi Rossi (1597-1653) (Un Peccator Pentito), Antonio Bertali (1605-1669) (La Strage Degl'innocenti), Giacomo Carissimi (1605-1674), Francesco Provenzale (1624-1704) (La Stellidaura vendicant), Stradella (1639-1682) (Ester - Liberatrice del Popolo Hebreo, San Giovanni Battista), Michelangelo Falvetti (1642-1692) (Il Diluvio universale), Giovanni Battista Bassani (1650-1716) (La Tromba della Divina Misericordia), Alessandro Scarlatti (1660-1725) (Il Primo Omicidio), Giacomo Antonio Perti (1661-1756) (Gesu al Sepolcro, Moïse), Antonio Caldara (1670-1736) (Maddalena ai piedi di Cristo, La Conversion de Clovis), Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) (Superbes Vêpres à la Vierge), Niccolò Jommelli (1714-1774) (Passione di Gesu, Le Lamentazione del profeta Geremia per il Mercoledi Santo, merveilleux Gérard Lesne), Giovanni Paisiello (1730-1814) (La Passione), ... .
La musique d'église de Vivaldi mérite les mêmes éloges que sa musique théâtrale : elle renferme des trésors que vous découvrirez à (très) petit prix en vous procurant l'intégrale dirigée par Vittorio Negri (Elle ne date pas d'hier mais elle demeure excellente sinon celle de Robert King la surpasse en qualité mais hélas aussi en prix).
Les exigences du culte ont inspiré quantité d'oeuvres aux dimensions plus modestes mais pas forcément moins intéressantes. Le Stabat Mater de Pergolèse est l'une des oeuvres baroques les plus souvent enregistrées (rien que sur le site jpc, vous en trouverez une collection où manque hélas ma préférée, souvent passée sous silence et pourtant ... merci Mieke van der Sluis, Gérard Lesne & René Clemencic ). Nul doute que vous apprécierez les oeuvres de Vincenzo Ugolini (1580-1638) (superbe Motet à 3 choeurs, Quae est ista), Gregorio Allegri (1582-1652) (qui n'a pas écrit que le célèbre Miserere, la preuve par cette Missa Vidi Turbam magnam), Benedetto Ferrari (1597-1681) (Queste pungenti spine, encore lui, quel musicien !), Giovanni Legrenzi (1626-1690) (merveilleux Lumi, potete piangere), Bernardo Pasquini (1637-1710) (Oratorio della Passione), Agostino Steffani (1653-1728) (Stabat Mater), Antonio Maria Bononcini (1677-1726) (Stabat Mater), Benedetto Marcello (1686-1739) (Psaume 50 ), Leonardo Leo (1694-1744) (Salve Regina), à nouveau la liste pourrait ne jamais se terminer.
Le 17ème siècle a manifesté un intérêt immédiat pour les progrès de la facture instrumentale : Giovanni Bassano (1558-1617) (Fantasia a tre voci), Antonio Brunelli (1577-1630) (Canzona), Girolamo Frescobaldi (1583-1643) (Canzonas), Andrea Falconieri (1585-1656) (La Suave Melodia, Ciaccona & Folia), Maurizio Cazzati (1616-1678) (Ciaconna ), Giovanni Legrenzi (1626-1690) (Superbe Aria) ont ciselé des partitions où le luth règne encore en maître.
Toutefois, c'est le développement de la lutherie à cordes frottées qui a révolutionné la musique instrumentale européenne maintenant sa longueur d'avance aux compositeurs transalpins. Les premiers recueils novateurs mirent le violon solo en évidence, avec un accompagnement en arrière-plan se présentant comme une bas(s)e continue, habituellement remplie par le violoncelle, la viole de gambe, le clavecin, le théorbe, le luth, ... . Comme il arrive fréquemment, les premiers essais comptèrent parmi les plus audacieux et, à ce titre, ils demeurent particulièrement précieux à nos oreilles contemporaines. Ces nouveaux virtuoses eurent pour noms : Giovanni Battista Fontana (1571-1630) (Sonate n°2), Dario Castello (1590-1630) (Sonate Concertate), Biagio Marini (1594-1663) (Passacaille en sol), Giovanni Battista Buonamente (1595-1642) (Sonata quarta) et Carlo Farina (1600-1640) (Sonata detta la Moretta). Aucun musicien n'incarne cependant mieux l'extravagance baroque que Marco Uccellini (1603-1680) (La Luciminia contenta) voire Antonio Bertali (1605-1669) (Sonate n°1 et sa célèbre Ciaconna).
Ces précurseurs furent bientôt suivis par une armada de (violonistes-)compositeurs : Giovanni Antonio Pandolfi Mealli (1630-1669) (La Monella Romanesca), Giovanni Battista Vitali (1632-1692) (Capricci,Passagalli,Ciaccona), Ignazio Albertini (1644-1685) (Sonates), Arcangelo Corelli (1653-1713) (La Follia), Francesco Antonio Bonporti (1653-1713) (Invenzioni), Antonio Veracini (1659-1745) (Sonate op 1-1), Tomaso Antonio Vitali (1663-1745) (fils du précédent, dont la célèbre Ciaccona, a souvent été arrangée), Nicola Matteis (????-1714) (Diverse bizzarie Sopra la Vecchia Sarabanda), Tomaso Albinoni (1671-1751) (Sonate da Chiesa), Nicolo Porpora (1686-1768) (12 Sonates), Francesco Maria Veracini (1690-1768) (neveu du précédent, superbes Dissertazioni sull' Op V del Corelli), Giuseppe Tartini (1692-1770) (Il Trillo del Diavolo).
Note : Depuis les débuts du renouveau baroque, les dames se sont illustrées pour ne pas dire imposées au violon baroque (Susanne Lautenbacher, Elizabeth Wallfisch, Alice Harnoncourt, Lucy van Dael, Monica Hugett, Amandine Beyer, Jeanne Lamon, ...). Impossible à ce stade de ne pas rendre le plus vibrant des hommages à Hélène Schmitt. Non contente de promouvoir - avec quelle généreuse rigueur - le répertoire le plus méconnu, elle justifie ses choix, en particulier celui de Nicola Matteis, dans une notice si justement écrite que je ne peux que la retranscrire : "Quant à moi, après avoir respiré les airs ombreux de la musique de Schmelzer et de ses contemporains, je voulais de tout mon coeur me consacrer à une musique qui dirait la joie, l'exubérance de la joie et son irrésistible contagion. Et de fait, je ne pouvais penser qu'à Matteis (1650-1700) (Suite en la), ce napolitain exilé à Londres, joueur de guitare et de violon, parti faire fortune et achetant dans les dernières années de sa vie un manoir dans le Norfolk, sans jamais retourner, même sur le tard de sa vie, là où il était né, dans cette ville capiteuse où même les citrons sont sucrés. Sa musique radieuse ne dit pas ces blessures-là si tant est qu'il en fût, ne sanglote ni ne pâme; elle ferait plutôt une farce à la sirène Parthénopé en l'envoyant en rêve sur les froids rivages de la Tamise pour la faire rire ...". D'autres révélations que nous lui devons ont pour nom : Ignazio Albertini (1644-1685) (Sonates pour violon & continuo) et Giovanni Stefano Carbonelli (1700-1773) (Aria con Variazioni ou Sonate pour violon & basse continue).
Les luthiers crémonais n'ont pas créé que des violons et quelques musiciens ont également spécifiquement écrit pour les autres membres de la famille : Joseph-Marie-Clement dall' Abaco (1710-1805) s'est illustré au violoncelle dans ces Caprices (n°5 & n°8, superbement joués par Kristin von der Goltz), Francesco Corbetta (1615-1681) a fait de même à la guitare (baroque) (Caprice de Chaconei) et Giovanni Zamboni (1650- ????) à l'archiluth (Sonate X). Ils avaient tous deux été largement précédés par Alessandro Piccinini (1566-1638) un maître du genre encore trop peu connu (Intavolatura di Liuto et di Chitarrone I & II). On redécouvre encore, et avec quel plaisir !, l'art très soigné d'Angelo Berardi (1636-1694), à la flûte (Canzone sesta) ou au violoncelle (Un CD recommandable).
Le développement fulgurant de l'instrumentarium baroque a également stimulé le plaisir de jouer "de concert" : l'orchestre (baroque) était né, conservant aux italiens leur longueur d'avance, le temps que la recette s'exporte et s'adapte un peu partout en Europe. Le CD a largement exploité le répertoire instrumental baroque et de nombreuses anthologies ont paru, couvrant toutes les décennies (Dances and Music from the Italian Renaissance, Invenzioni e Stravaganze, ... ).
Deux musiciens ont marqué de leur empreinte le genre du concerto baroque :
Note. Beaucoup d'oeuvres anciennes ont disparu dans les incendies et d'autres dorment encore dans les réserves de bibliothèques poussiéreuses. L'essentiel de l'oeuvre d'Albinoni qui comprenait entre autres près de 80 (!) opéras a apparemment péri lors des bombardements de Dresde, en 1945, et personne ne s'était apparemment donné la peine de recopier les manuscrits, on était plus sérieux au Moyen-Age ! Les amateurs du dimanche qui se contentent du célèbre Adagio (version d'André Rieu, tant qu'on y est !) seront déçus d'apprendre qu'il s'agit, en réalité, d'un artefact réalisé par Remo Giazotto, en 1945, sur un thème récurrent qu'on retrouve en particulier au début de l'andante du Concerto opus 1, pour alto, de Carl Stamitz (attendez 12 min 00 sec).
L'orchestre baroque a tenté tous les musiciens de l'époque. La redécouverte sonore de ce répertoire immense, effectivement entamée à partir des années 1950, s'est déroulée dans une joyeuse anarchie mélangeant allègrement l'essentiel et l'accessoire. L'empressement des maisons de disques de tout graver - qui viendra encore prétendre que le marché de l'enregistrement est en crise ? - a compliqué l'établissement d'une échelle des valeurs, singulièrement pour les compositions postérieures à 1700. Beaucoup de musiciens de cette époque sont très vite passés à la postérité pour des oeuvres plus ou moins importantes : si personne ne conteste sérieusement les concerti de Vivaldi ou de Corelli, que faut-il penser des oeuvres homologues des Marcello, Torelli, Geminiani, Castrucci, Manfredini, Galuppi, Tartini, Albinoni, Veracini, ..., dont certains sont passés à la postérité avec une facilité que - sans jeu de mot - l'on pourrait qualifier de déconcertante : des oeuvres aimables, certes, mais tellement interchangeables à nos oreilles. Voici, pour faire court, une sélection d'oeuvres estimables, inévitablement partielle et partiale :
Voici, pour résumer, quelques musiciens parmi les meilleurs du baroque finissant, qui se sont illustrés dans les trois genres évoqués :
Ensembles instrumentaux | Messes & Oratorios | Cantates & Opéras | |
---|---|---|---|
A. Caldara |
Sonate a 3 Sonates pour violoncelle |
Maddalena ai piedi di J-C La Conversion de Clovis |
La Clemenza di Tito Airs isolés |
A. Vivaldi |
Concerti pour violon Sonates pour violoncelle |
Vêpres à la Vierge Juditha Triumphans |
Farnace Arsilda Regina di Ponto |
B. Marcello |
Concerti grossi op 1 6 Sonates pour violoncelle |
Requiem vénitien Psaumes de David |
Arianna Cantates pour basse |
N. Porpora |
Sinfonia opus 2 12 Sonates pour violon |
Salve Regina 6 Duetti sulla Passione |
Polifemo Dorindo, dormi ancor |
JB Pergolèse |
Concerto pour violon Concerto pour flûte |
Vêpres à la Vierge Messa Sant Emidio |
L'Olimpiade Lo Frate 'nnammurato |
N. Jommelli |
Concerto pour clavier Chaconne |
La Passion de J-C Requiem |
Armida Abbandonata L'Uccellatrice |
Enfin, impossible de ne pas évoquer l'art de Domenico Scarlatti (1685-1757), le plus illustre claviériste baroque italien. Ses 555 Sonates sont tellement belles qu'elles ont toutes été enregistrées. Hélas aucune intégrale n'est pleinement satisfaisante, même celle de Scott Ross aurait mérité un plus bel instrument. Par contre, des enregistrements isolés existent - au clavecin comme au piano - qui raviront les plus exigeants (Pierre Hantaï et Frédérick Haas, sur des clavecins dignes de ce nom et l'admirable Murray Perahia, au piano). Giovanni Battista (dit Il Padre) Martini (1706-1784) a suivi l'exemple de Scarlatti comme le fera Padre Soler (1729-1783) en Espagne.
L'ère baroque s'est achevée en 1750 mais comme toujours un certain flou a existé entre ceux qui se sont attardés et d'autres qui ont anticipé sur le classicisme naissant. Les frères Sammartini, Giuseppe (1695-1750) (Concerto pour flûte) et Giovanni Battista (1700-1775) (Sinfonia en sol majeur), ont déjà écrit en style galant voire Sturm und Drang et Baldassare Galuppi (1706-1785) a fait preuve d'encore plus de curiosité dans des oeuvres ambitieuses, religieuses (Messe pour la libération des esclaves) ou théâtrales (L'Olimpiade, Il Mondo alla Roversa).
Globalement la transition du baroque vers le classicisme a vu le recul de la musique italienne, plutôt mal à l'aise dans un corset trop rigide pour elle. Dès 1700, la concurrence allemande - Bach et Haendel - était devenue forte et à partir de 1750, l'hégémonie autrichienne - Haydn, Mozart, Gluck - acheva de la repousser dans une pénombre relative. La querelle des Gluckistes et des Piccinnistes fut un épisode parisien de ce transfert de compétences : les encyclopédistes, d'Alembert en tête, ardents défenseurs de l'opéra à l'italienne, se sont émus de l'influence grandissante des réformes préconisées par Gluck en vue d'un théâtre moins virtuose et plus proche du drame exprimé. S'ensuivit une querelle de salon que Gluck alimenta davantage que Piccinini et qu'il finit par remporter.
Les musiciens suivants furent talentueux à défaut d'être géniaux : Pietro Nardini (1722-1793) (Concerti pour violon et mieux encore Quatuors à cordes, parus chez Brillant). Niccolò Piccinni (1728-1800) (Didone abbandonata), Giuseppe Sarti (1729-1802) (Oratorio russe), Antonio Sacchini (1730-1786) (Œdipe à Colone), Gaetano Pugnani (1731-1798) (Sinfonia en sol majeur), Giovanni Paisiello (1740-1816) (Concerto n°7 pour piano et surtout Il Barbiere di Siviglia, oeuvre qui annonce clairement Rossini), Andrea Luchesi (1741-1801) (Requiem), ... .
Le talent fut davantage présent à la génération suivante :
Quelques compositeurs se sont illustrés dans la pratique virtuose de leur instrument de prédilection, guitare et/ou violon, curieusement souvent associés : Giovanni Battista Viotti (1755-1824), Alessandro Rolla (1757-1841), Ferdinando Carulli (1770-1841), Mauro Giuliani (1781-1829), Giovanni Viotti (1755-1824) et bien sûr Niccolò Paganini (1782-1840). Quant à Domenico Dragonetti (1763-1846) et Giovanni Bottesini (1821-1889), ils se sont consacrés à la contrebasse, contribuant ainsi au maigre répertoire de cet instrument.
Le chant qui avait déjà connu ses premières heures de gloire virtuose à l'époque baroque va en connaître d'autres, nettement plus lyriques, pendant près de 100 ans. La démocratisation du concert a appelé l'agrandissement des salles et a encouragé l'éclosion de voix amples et belles. Un public de plus en plus fervent s'est constitué à la Scala de Milan, à la Fenice de Venise ou à San Carlo de Naples, trois théâtres inaugurés vers 1778. De nombreux théâtres de province ont également vu le jour, alimentés par un large réservoir de chanteurs de qualité. Il ne restait plus qu'à mettre ces voix en valeurs, ce que firent Gioacchino Rossini (1792-1868), dans la veine pyrotechnique (± 40 opéras, composés en à peine 25 ans), Giuseppe Verdi (1813-1901, ± 35 opéras) dans la veine héroïque et Giacomo Puccini (1858-1924, ± 12 opéras) dans le mode vériste. D'autres ont suivi, avec plus ou moins de bonheur et de goût : Gaspare Spontini (1774-1851), Gaetano Donizetti (1797-1848, ± 70 opéras), Vincenzo Bellini (1801-1835, ± 12 opéras), Amilcare Ponchielli (1834-1886), Arrigo Boito (1842-1918), Alfredo Catalani (1854-1893), Ruggero Leoncavallo (1858-1919), Alberto Franchetti (1860-1942), Pietro Mascagni (1863-1945), Francesco Cilea (1866-1950), Umberto Giordano (1867-1948) et Italo Montemezzi (1875-1952).
Cet univers est fascinant mais son étude sérieuse exigerait des développements qui ne peuvent trouver leur place ici. Je me bornerai donc à faire la publicité du Mefistofele de Arrigo Boito, plus connu comme librettiste de Verdi dans ses deux chefs-d'oeuvre ultimes, Othello et Falstaff. On sait trop peu qu'il fut également un compositeur de valeur et on peut légitimement regretter l'oubli qui frappe ses autres oeuvres scéniques, sauf peut-être Nerone, opéra interrompu par la mort et complété, à des degrés divers, par Arturo Toscanini (qui l'a effectivement créé), Vincenzo Tommasini et Antonio Smareglia.
La plupart des musiciens dont la liste précède eurent ponctuellement l'ambition de briller ailleurs qu'à la scène mais on ignore largement cette production parallèle :
Toutes ces célébrités ne doivent pas occulter l'existence d'excellents musiciens bien moins connus : d'ascendance suisse, Carlo Evasio Soliva (1791-1853) a écrit La Testa di Bronzo et Giulia e Sesto Pompeio, qui ont fait l'objet de beaux enregistrements, à découvrir par les amateurs du genre. Saverio Mercadante (1795-1870) (Il Lamento del Bardo, Emma d'Antiochia), Giovanni Pacini (1796-1867) (L'ultimo Giorno di Pompei), Lauro Rossi (1810-1885) (Cleopatra) et Filippo Marchetti (1831-1902) (Romeo e Giulietta) ont également contribué au genre. Les amateurs de raretés vocales italiennes peuvent se tourner avec bonheur vers des enregistrements Bongiovanni ou vers l'album Opera italiana paru chez Neos (40 CD pour 40 euros !)
La musique italienne s'étant largement concentrée sur l'opéra, on admirera que quelques artistes du cru aient eu le courage de résister à cette mode du temps, au risque avéré de se priver d'une large audience :
Sans pour autant délaisser l'opéra mais en cessant de le privilégier, deux musiciens très différents, Ferruccio Busoni (1866-1924) et Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948), ont accéléré le renouveau instrumental italien. Il convient d'ajouter qu'ils présentaient, l'un et l'autre, le mélange assez rare des sensibilités italienne et allemande et ceci explique peut-être cela :
Quatre musiciens particulièrement attachants, Ottorino Respighi (1879-1936), Ildebrando Pizzetti (1880-1968), Gian Francesco Malipiero (1882-1973) et Alfredo Casella (1883-1947), ont représenté l'Italie dans le concert européen du début du 20ème siècle, jusqu'à ce qu'un fascisme précoce ne vienne mettre un frein à cette belle vitalité :
L'avènement du fascisme, la guerre et ses conséquences ont bouleversé le paysage musical italien, désormais éclaté en plusieurs tendances :
Quelques musiciens largement inconnus ont écrit sans complexe une musique avenante aux antipodes de la création de pointe. Le doyen de ces romantiques attardés pourrait être Lorenzo Perosi (1872-1956) (Suite n°6 pour orchestre). Il semble difficile d'écrire une musique plus facile - ce qui est rarement un compliment - mais dont la naïve sincérité est telle qu'on ne peut que l'écouter avec plaisir, en cachette si vous craignez pour votre réputation. Dans son sillage, ont oeuvré : Franco Alfano (1875-1954) (Symphonie n°2), Francesco Balilla Pratella (1880-1955) (surprenant Trio à clavier), Riccardo Pick-Mangiagalli (1882-1949) (Sortilegi), Riccardo Zandonai (1883-1944) (Concerto Romantico pour violon), Carlo Giorgio Garofalo (1886-1962) (Symphonie romantique), Giorgio Federico Ghedini (1892-1965) (original Concerto Spirituale, Musica Concertante, Architetture, Concerto pour alto & cordes), à découvrir en priorité, Aldo Finzi (1897-1945) (Liriche), Virgilio Mortari (1902-1993) (Figurazioni), Franco Ferrara (1911-1985) (Fantasia Tragica), Gian Carlo Menotti (1911-2007) (Concerto pour piano), Carlo Florindo Semini (1914-2004) (Mosaici di Piazza Armerina) et Ugo Amendola (1917-1995) (Quatuor).
J'ai gardé pour le dessert l'oeuvre abondante et variée de Mario Castelnuovo-Tedesco (1895-1968) qui n'a pas écrit que pour la guitare (Sonate "Omaggio a Boccherini", Tonadilla, Concerto n°1), loin de là ! Ce musicien élégant et toujours de bonne humeur fut un aristocrate de la musique qu'on a plaisir à écouter (Concerto n°2 pour piano, I Naviganti, Concerto n°2 pour violon - l'entrée du violon de Jascha Heifetz après 1min 15sec ! - et superbe Ricercare sur le nom de Luigi Dallapiccola, ...).
Au sortir de la guerre, quelques musiciens aux prétentions nettement savantes exercèrent une influence considérable sur la création musicale européenne. Tous ont vécu douloureusement le(s séquelles du) fascisme et se sont tournés, comme un seul homme, vers l'idéologie marxiste-léniniste pour ne pas dire stalinienne. Ne comptez pas sur moi pour vous expliquer ce qui caractérise une musique de gauche, sauf peut-être le choix des arguments littéraires dans les oeuvres théâtrales. Par bonheur, la musique ne se laisse pas si facilement récupérer et, aujourd'hui, il ne reste qu'une interprétation du dogme sériel savamment sinon harmonieusement tempérée par un lyrisme atavique : attention les musiques qui suivent ne sont pas destinées à bercer les enfants difficiles.
Par bonheur, l'Italie ne fut pas avare de musiciens indépendants demeurant à l'écart des écoles. J'ai déjà présenté par ailleurs le cas tout à fait particulier de Giacinto Scelsi (1905-1988) donc je n'insiste pas. Goffredo Petrassi (1904-2003), le pédagogue le plus influent de ce temps, ne rejeta aucun style a priori (néo-classiques Concerto pour piano et Partita pour orchestre, néo-baroques Magnificat ou Salmo IX, modernes 12 concertos pour orchestre (n°5)).
Je n'ai hélas trouvé qu'un seul enregistrement d'une oeuvre de Flavio Testi (1923- ) et je le regrette. Cet extrait de Saül, étonnant de conviction sonore, exige qu'on nous en propose d'autres. Aldo Clementi (1925-2011) s'est libéré, comme beaucoup d'autres, de l'emprise sérielle, n'hésitant pas à puiser son inspiration dans un passé lointain (étrange Concerto n°2 pour violon). Ecoutez encore, de Boris Porena (1927- ), Musica per quartetto d'archi et Vivaldi , de Lorenzo Ferrero (1951- ), La ruta de Cortés, extraite d'une suite de 6 Poèmes symphoniques "La nueva Espana", de Giulio Castagnoli (1958- ), ce singulier Concerto pour piano, de Marco Stroppa (1959- ), Spirali, pour quatuor à cordes, et de Carlo Galante (1959- ), ce Concerto pour violon.
L'avant-garde pure et dure, représentée Franco Donatoni (1927-2000) est originale mais elle vous semblera sans doute d'un accès difficile (Le Ruisseau sur l'Escalier). Si la musique de Sylvano Bussotti (1931- ) (Lorenzaccio symphony) me semble complètement datée, celles de Niccolò Castiglioni (1932-1996) (Sinfonia con rosignolo), Salvatore Sciarrino (1947- ) (Morte di Borromini) ou Alessandro Solbiati (1956- ) (Sinfonia Terza) devraient attirer les esprits curieux et patients.
Deux musiciens émergent cependant avec un maximum de force, sans doute les compositeurs les plus remarquables de l'Italie contemporaine :
Le label Naxos s'intéresse à la musique écrite par Elisabetta Brusa (1954- ), plusieurs volumes sont déjà disponibles. Le néo-tonalisme de bon aloi de la Symphonie n°1 rend la découverte agréable.
Le cinéma italien, particulièrement créatif après la deuxième guerre mondiale, a donné du boulot aux collègues musiciens. Deux compositeurs célèbres ont fait preuve d'inspiration à cette occasion :
L'Italie n'est plus aussi prodigue en "grandes" voix lyriques que par le passé. Mis à part Cecilia Bartoli et Luciano Pavarotti, et encore il n'est plus de ce monde, qui peut encore prétendre rivaliser avec les vedettes d'un passé pas si lointain, Renata Tebaldi, Mirella Freni, Katia Ricciarelli, Renata Scotto, Enrico Caruso, Benjamino Gigli, Franco Corelli, Tito Schipa, Giuseppe Di Stefano, ... ? Aujourd'hui, en contrepartie, les "petites" voix abondent, Gloria Banditelli, Sara Mingardo, Roberta Invernizzi, Franco Fagioli, Marco Beasley, ..., qui se sont recyclées au service de l'héritage baroque. Intégrées à des ensembles bien rôdés, Elyma, Capella della Pieta de Turchini, Accordone, Accademia del Piacere, Venexiana, Compagnie del Madrigale, Concerto Italiano, Capella Mediterranea, ..., elles font des merveilles.
Les labels peu connus, Tactus et Bongiovanni se consacrent essentiellement à l'exhumation d'oeuvres oubliées ou négligées. Ils ont, en particulier, gravé quantité de productions théâtrales provinciales. On ne peut que les en louer même si toutes ne sont pas d'un intérêt ni d'une qualité vocale et technique irréprochables. Cela dit si vous collectionnez les opéras "exotiques", c'est votre unique espoir d'assouvir votre passion.
Au piano, Arturo Benedetti Michelangeli et Maurizio Pollini se sont imposés comme deux des plus grands pianistes du 20ème siècle. Ils ont connu les chefs Claudio Abbado, Riccardo Muti et Ricardo Chailly mais évidemment pas Il Maestro Arturo Toscanini.
Depuis Stendahl, il est de bon ton de faire son pèlerinage artistique en Italie : le nôtre, bien trop court, se termine ici. On en sort ébloui mais avec la peur rétrospective de tout mélanger de ce qu'on a entendu. Si Monteverdi, Vivaldi et Verdi sont de fait incontournables, si Caldara, Pergolèse, Salieri, Rossini, Puccini, Respighi, Dallapiccola valaient le détour prévu, j'aime aussi me souvenir de quelques coups de coeur qui n'étaient annoncés qu'en petits caractères dans le guide quand ils n'étaient pas simplement omis : Uccellini, Vinci, Ferrari, Marcello, Galuppi, Martucci, Wolf-Ferrari, Perosi, Testi, Castelnuovo-Tedesco, Ghedini, Fedele, Romitelli, pas forcément des géants mais de vrais pourvoyeurs de plaisir sonore et d'émotion.