Tour du monde

Norvège

Norvège
Norvège

De tous les pays scandinaves, la Norvège est celui qui a le moins développé une musique savante.  On explique traditionnellement ce retard par les effets culturellement néfastes d'un assujettissement aux Danois, pendant 4 siècles, puis aux Suédois, à partir de 1814. Flanqués de voisins aussi encombrants, la Norvège n'a acquis son indépendance qu'en 1905 - un comble pour des descendants de Vikings !

Pourtant la musique populaire norvégienne a toujours été en excellente santé, orientée vers le chant bien sûr mais aussi et surtout, vers la danse, au son d'un instrument national, le Hardingfele, plus connu à l'étranger, sous son appellation anglaise : Hardanger fiddle. C'est une sorte de violon comportant 4 ou 5 cordes supplémentaires dont la fonction est d'entrer en résonance sympathique avec le son émis par les 4 cordes principales.  Elles provoquent un effet d'écho caractéristique, agréable à l'oreille.   Les rythmes endiablés font le reste, qui mettraient des fourmis dans les pattes des élans.  On raconte - mais ne le répétez pas - que les paysannes avaient l'habitude de danser avec un panier rempli d'oeufs, d'où l'origine de l'omelette norvégienne, la glace ne manquant pas dans ce pays.  Quoi qu'il en soit, les musiciens norvégiens ne se sont lentement réveillés qu'à partir de 1850.

Il est bien connu que la deuxième moitié du 19ème siècle a vu, un peu partout en Europe, l'éclosion des écoles nationales de musique, constituant un vaste mouvement de réaction à la toute-puissance austro-allemande.   Bien que non encore indépendante, la Norvège l'a suivi, tentant de sublimer sa musique populaire en un langage savant et universel.

Les débuts furent difficiles et on ne peut pas dire que les précurseurs, Halfdan Kjerulf (1815-1868) et surtout le violoniste virtuose, Ole Bull (1810-1880), écrivirent une musique immortelle.   Il fallut, en fait, attendre une génération pour que la situation s'améliore véritablement, grâce à trois musiciens on ne peut plus romantiques :

  • Johan Svendsen (1840-1911) (Symphonies n°1, n°2) est un symphoniste encore apprécié de nos jours. Ecoutez encore son Octuor à cordes, opus 3.
  • Christian Sinding (1856-1941) (Symphonies n°1, n°2, n°3) est globalement moins intéressant encore que sa Sonate opus 91 se laisse écouter avec plaisir.  Ecoutez aussi ses Trios à Clavier.
  • Edvard Grieg (1843-1907) est le plus célèbre compositeur norvégien quoiqu'il s'en est fallu de peu qu'il ne le soit qu'à titre posthume !  Son sens inné de la mélodie a fait de petites merveilles : écoutez les beaux recueils qui parsèment son œuvre pour le piano (rassemblée chez BIS en 10 CD) ou des oeuvres orchestrales (rassemblée chez BIS en 10 CD).

L'influence de Grieg fut telle que ses successeurs en ont oublié que la modernité faisait fureur partout en Europe.  Les Norvégiens sont très frileux (on les comprend) … quant au modernisme, une bonne partie de leur répertoire se partageant entre néo-classicisme et romantisme tardif :

Gerhard Schjelderup (1859-1933) (Christmas Suite), Johan Halvorsen (1864-1935) (Symphonie n°1), Eyvind Alnæs (1872-1932) (Symphonie n°1, Variations symphoniques), David Monrad Johansen (1888-1974) (Voluspaa, opus 15), Ludvig Irgens Jensen (1894-1969) (Passacaglia, Mélodies), Harald Sæverud (1897-1992) (Symphonie n°8), Eivind Groven (1901-1977) (Hjalar-Ljod, pas savant pour un sou mais plutôt efficace !), Klaus Egge (1906-1979), dont je ne peux taire ces deux superbes Sonates pour le piano, Geirr Tveitt (1908-1981) (Concertos pour piano & orchestre, n°2, n°3, n°4, n°5, gorgés de bonne musique populaire; écoutez également ses Concertos pour Hardanger Fiddle (n° 2)), Knut Nystedt (1915- ) (Immortal Bach, un choral chanté par 5 choeurs avec des tempi différents) et Johan Kvandal (1919-1999), dont voici "Antagonia" , pour deux orchestres à cordes et percussion.

Fartein Valen
Fartein Valen

Le père de la musique norvégienne atonale est Fartein Valen (1887-1952) (Symphonies n°2 et n°4, Concerto pour violon, Le Cimetière marin, Ave Maria). Il mit au point son propre système dodécaphonique, indépendamment d'Arnold Schönberg mais il n'a pas fait école, ni dans son pays ni à l'étranger. Cependant sa conception constamment lyrique de l'atonalité vaut un sérieux détour.

Le véritable essor de la musique (post)moderne norvégienne remonte à la fondation de la Société Ny Musik (Musique nouvelle) par Pauline Hall en 1938 et animé à ses débuts par Finn Mortensen (1922–1983). On sait (trop) peu de chose de l'oeuvre de ce compositeur qui a touché à tous les styles, commençant par un néo-classico-romantisme (Symphonie n°1, opus 5 - à découvrir ! - ) pour finir par une adaptation toute personnelle de l'atonalité (Concerto pour piano).

Arne Nordheim
Arne Nordheim

Le plus grand compositeur norvégien actuel est, sans conteste, Arne Nordheim (1931-2010).  C'est un (grand) maître des effets instrumentaux et électroniques inouïs, au service d'une musique constamment stimulante.  La nation norvégienne, reconnaissante, fit grand cas de lui : il fut, en effet, logé, à vie, dans la résidence honorifique du gouvernement, appelée Grotten.   Ecoutez les mélanges subtils de sons acoustiques et électroniques dont il est capable dans sa musique de chambre ou encore le mariage synthétiseur-percussions dans Response ou Solitaire ou synthétiseur-violon dans Partita für Paul.  The Dream Ballad est une œuvre plus ambitieuse qui confirme l'originalité de son auteur.

Quelques collègues jouissent, eux aussi, d’une renommée internationale, notamment le surprenant Antonio Bibalo (1922-2008, né en Italie, pays qu'il a quitté à 34 ans), Edvard Hagerup Bull (1922-2012), Ketil Hvoslef (1939- ), Olav Anton Thommessen (1946- ), et l'entreprenant Rolf Wallin (1957- ) à découvrir sur son site personnel d'écoute. Je n'aurais pas protesté à l'annonce qu'il succède à Nordheim dans la résidence de Grotten, cependant, c'est le dramaturge Jon Fosse qui a reçu cet honneur.

La vie musicale en Norvège

A partir des années 1970, la Norvège a suivi l'exemple du Danemark, consentant de réels efforts dans le domaine de l'instruction et de la promotion musicales.   Toutes les villes importantes ont désormais leur salle de concert et un tout nouvel opéra s'est ouvert à Oslo, à l'automne 2008.   Les résultats de cette politique ne se sont pas fait attendre : la Norvège possède plusieurs orchestres symphoniques de réputation internationale basés à Bergen, Oslo, Stavanger et Trondheim.  

Le Festival de Bergen est mondialement célèbre et celui de musique de chambre de Trondheim ne lui est guère inférieur.

La soprano, Kirsten Flagstad (1895-1962), fut, en son temps, l'égale de la Suédoise Birgitt Nilson, dans Wagner.  De nos jours, le monde norvégien de la musique classique a, pour ambassadeurs principaux, le violoncelliste, Truls Mørk et surtout le merveilleux pianiste, Leif Ove Andsnes que voici dans un grand tube norvégien : le Concerto pour piano de Grieg. Plus ambitieux, ses enregistrements de pages de Nielsen ont reçu tous les éloges.

Simax est le label norvégien dédicacé à la promotion de la musique nationale.

Enfin, tous les amateurs de jazz connaissent le saxophoniste Jan Garbarek (1947- ) et le guitariste (électrique) Terje Rypdal, tous deux nés en 1947.  Un peu à part dans un univers où vit également le pianiste Keith Jarrett, ils n'hésitent pas, comme ce dernier, à se frotter aux formes savantes.  Voici Garbarek et Jarrett, ensemble, en concert.  Garbarek a également collaboré avec l'Ensemble vocal Hilliard, jouant de son instrument, en contrepoint, sur des mélodies médiévales.  Le résultat - Officium - est une réussite discographique, un best-seller comme on dit maintenant (Deux opus - Mnemosyne et Officium Novum - ont paru depuis lors qui remettent le couvert).