Le label Naxos a été fondé, en 1987, par l'Allemand Klaus Heymann. Il est basé, depuis toujours, à Hong Kong. Heymann est un homme d'affaire avisé qui a successivement travaillé pour Braun, fondé une entreprise de vente par correspondance pour les forces armées américaines du Pacifique, puis a distribué les marques Bose et Revox en Extrême-Orient. Conscient qu'il n'y avait guère de sens de vendre du matériel Hi-Fi à des populations n'ayant pas directement accès au marché du disque classique, ne serait-ce que pour des raisons financières, il s'est mit en tête de combler cette lacune en fondant ce qui apparaît, aujourd'hui, comme l'équivalent musical des éditions littéraires Penguin Books (en anglais) ou Livre de Poche (en français).
Les débuts furent laborieux, la politique des prix compressés requérant de n'impliquer que des interprètes de seconde zone, souvent en provenance des pays de l'Est européen, voire des amateurs, tel le Hong Kong Philharmonic Orchestra qui a enregistré pour Marco Polo, la branche asiatique de Naxos.
Si le succès a immédiatement été au rendez-vous dans ces contrées curieusement avides de musique classique, cela n'a pas été le cas en Europe de l'Ouest où l'on a souvent snobé l'entreprise, au motif qu'aucune star ne faisait partie de son écurie.
La crise aidant, les temps ont changé insensiblement. Les Majors (DGG, Decca, etc.) ont perdu de leur superbe et ont, en tout cas, cessé d'être incontournables. En pratiquant une politique artistique de plus en plus exigeante, Naxos est devenu un acteur privilégié de la scène musicale, sans doute le plus actif dans le répertoire classique.
Dès ses débuts, la politique de naxos a reposé sur quelques principes simples :
Aucun doublon : une œuvre déjà présente au catalogue n'est généralement pas réenregistrée. Il faut s'en faire une raison, le répertoire de la première heure s'en trouve sacrifié et personne ne se passionnera, de fait, pour des symphonies de Beethoven tout simplement mal interprétées. Pleinement conscient du problème, Naxos a préféré changer de cap : sans nécessairement renier ses classiques, il explore à présent, systématiquement, un répertoire rarement, sinon jamais joué. Voilà comment un catalogue - initialement grand public - s'est reconverti en une collection de pièces rares.
Place aux jeunes interprètes cherchant un emploi stable et stimulant, plutôt qu'une hypothétique fortune qui n'est, de toute façon, plus guère à l'ordre du jour dans le domaine classique. Cela dit, des artistes confirmés rejoignent, peu à peu, l'écurie Naxos et on peut prévoir que le phénomène ira en s'amplifiant. Espérons, en tout cas, que l'exemple d'Hervé Niquet et de son ensemble, Le Concert Spirituel, fera école. Ils ont mis leur enthousiasme au service d'un baroque français manquant cruellement, jusqu'il y a peu, de main-d'œuvre autochtone : Marc Antoine Charpentier (1643-1704) et Lully (1632-1687) mais aussi les bien moins connus, Joseph Michel (1688-1736), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755) et Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749). Il semble toutefois qu'Hervé Niquet, auréolé d'une nouvelle gloire, se déploie à présent sur d'autres fronts peut-être plus lucratifs (Glossa, Bru Zane, ...).
Contrôle des prix : un CD Naxos coûte environ 7 €, c'est deux à trois fois moins cher que chez la concurrence de luxe. Seul le label Brilliant, chroniqué par ailleurs, pratique des prix comparables. Par ailleurs, Naxos a été pionnier dans le domaine de l'écoute en ligne, une initiative capable de régler l'épineux problème du piratage informatique des médias. S'il fallait suivre les labels traditionnels, plus ou moins 1 € serait la norme pour télécharger légalement une piste isolée. C'est excessif et inabordable pour le commun des mortels. La conséquence est claire : tout le répertoire que des artistes curieux voudraient patiemment exhumer est largement voué aux oubliettes. C'est contre-culturel et donc inacceptable. Si ces artistes veulent une juste reconnaissance de leur "travail", c'est sur la quantité des auditeurs potentiels qu'ils doivent miser, par une politique attractive des prix. Le "marché" du CD classique est inexploité à 90% et sans argument attractif, il le restera.
Le projet Naxos, en évolution constante, a au moins le mérite de supprimer les intermédiaires de tous poils, souvent trop gourmands et il a grandement contribué à lancer le phénomène de l'écoute en ligne. Au départ, le catalogue se limitait aux premiers enregistrements Naxos (y compris ceux de sa succursale Marco Polo), d'où un abonnement bon marché de l'ordre de 20 $/an. Par la suite, un nombre croissant de "grandes" maisons ont rejoint la "Naxos Library" et ce sont les catalogues, BIS, Capriccio, Da Capo, Ondine, Brilliant, Chandos, Hyperion, Hänssler, Hungaroton, etc ... , qui sont devenus accessibles, avec pour conséquence inévitable de majorer le prix de l'abonnement "online" qui a rejoint désormais celui des offres concurrentes (Deezer, Imagio, etc).
Il me semble que cette formule mériterait d'être étudiée et généralisée : une politique véritablement culturelle des Etats pourrait aller dans le sens d'une cotisation raisonnable, incorporée d'office dans les connections Internet.
Autre possibilité : après les chèques-repas, les chèques-cadeaux, les éco-chèques, à quand les chèques-téléchargements ? Est-il encore raisonnable, à notre époque, de maintenir des pécules de vacances qui encouragent les citoyens de l'Europe du Nord à se diriger vers le Sud et croiser ceux de l'Europe du Sud qui se rendent vers le Nord ? Qu'ils le fassent, c'est leur affaire mais est-ce encore le rôle de l'Etat de les subventionner ? Avec un chèque-culture, ils continueront de voyager mais intérieurement et en musique !
Bien que basé à l'autre bout du monde (Hong Kong), le site d'accueil de Naxos est extrêmement fiable et attentif à toutes vos éventuelles demandes d'assistance. La sécurisation du paiement est assurée et au bilan, le service fonctionne parfaitement, en particulier grâce à une architecture bien pensée du catalogue pléthorique.
Voici quelques perles disponibles "en ligne" :
Les Sonates du Padre Antonio Soler (1729-1783) en 13 CD : une occasion unique d'entendre ces œuvres tardives dans leur genre qui valent celles, beaucoup plus connues, de Domenico Scarlatti. Leur caractère hispanisant ajoute une touche bienvenue d'exotisme : .
L'intégrale de l'oeuvre pour piano de Franz Liszt, y compris les nombreuses transcriptions.
Les Symphonies d'Alfred Schnittke, y compris la n° 0 - une œuvre de jeunesse exhumée des tiroirs - et l'ultime n° 10, reconstituée par Alexandre Raskatov, d'après les esquisses inachevées (offre du catalogue BIS).
Les Cantates de Bach, dans l'interprétation de référence de Masaaki Suzuki (autre offre - d'une valeur inestimable - du catalogue BIS).
Les excellentes musiques de film d'Alfred Schnittke (offre du catalogue Capriccio).
Les Quatuors de Niels Gade (1817-1890), les Symphonies de Rued Langgaard (1893-1952) (ici le scherzo de la 16ème Symphonie : ) ou celles, plus complexes, de Per Norgard (1932 - ) (offres du catalogue Dacapo).
L'œuvre symphonique de Joonas Kokkonen (1921-1996) dont sont extraites ces "Métamorphoses pour cordes et clavecin" (offre du catalogue Ondine).
Un large éventail de l'œuvre de Krzysztof Penderecki (les symphonies, les grandes œuvres religieuses et ce beau sextuor : ).
L'œuvre pour piano et celle pour orchestre de George Rochberg (essentiel !).
L'œuvre d'Arnold Schönberg, superbement dirigée par Robert Craft (Bis !). Oui il s'agit bien de ce chef, très proche de Stravinsky. Je me suis toujours demandé comment il s'y était pris pour justifier auprès de son ami qu'il enregistrait l'œuvre de Schönberg, un compositeur dont Stravinsky ne voulait pas entendre parler ! Le lecteur intéressé trouvera des éléments de réponse dans un long article, publié par Craft en 1982 et consacré aux rapports ambigus entre les deux musiciens.
La musique contemporaine est largement présente dans ce catalogue, en particulier grâce à une série (American Classics) entièrement consacrée à la musique américaine. Vous trouverez aussi, entre autres :
Boris Tchaïkovski (1925-1996), Concerto pour piano, dont voici le finale : ,
John Tavener (1944- ) : un CD remarquable regroupant quelques pièces pour piano dont "Ypakoe" , …
… et je m'arrête ici car il y a plus de 10 000 titres disponibles, sans compter les DVD !