Les temps sont heureusement révolus qui voyaient les artistes tousser à cause d'une phtisie galopante. Par contre, dans les salles de concert, on tousse toujours autant. On pourrait certes distribuer des pastilles à l'entrée mais je crains fort que cette initiative ne produise aucun effet probant. La raison en est qu'on compte autant de toux préventives que de toux qui soulagent. Elles sont immédiatement reconnaissables au fait qu'elles sonnent faux (un comble pour une quinte !). De toute évidence, ces gorges n'avaient nul besoin d'être raclées, appartenant à des gens qui ne souffrent pas plus des bronches que vous et moi mais qui se disent que la probabilité de tousser dans l'heure à venir est d'autant plus faible qu'ils viennent de le faire.
Il y a étrangement lieu de noter que la toux préventive est aussi contagieuse que sa variante infectieuse : il suffit qu'un tousseur compulsif se fasse entendre pour qu'une partie de la salle se sente autorisée (voire obligée) à lui répondre. Je ne vous commente pas l'effet produit entre un adagio qui s'éteint dans une paix éthérée et un finale qui s'annonce fracassant. Les seuls qui ne semblent pas se plaindre sont les musiciens de l'orchestre, trop heureux de souffler entre deux mouvements. On m'objectera que la température de la salle ayant crû de quelques (?) degrés, les instruments doivent idéalement être raccordés mais je ne crois que modérément à cette explication : ils passent bien plus de temps à le faire au début du concert quand cela aurait pu être fait en coulisses.
L'idée d'un remède envisageable m'est venue en visionnant "La Neuvième Symphonie ", un documentaire maintes fois primé de Pierre-Henri Salfati (Disponible en DVD). On y voit un chef - que je n'ai malheureusement pu identifier - enchaîner sans la moindre interruption "Un Survivant de Varsovie" d'Arnold Schönberg et la 9ème de Beethoven. Au-delà de l'intention évidente de rassembler deux purs produits de la création germanique au travers d'un enchaînement hautement symbolique - l'holocauste et la fraternité - on est surpris de constater combien le procédé peut fonctionner, surtout en salle de concert et ce, malgré le caractère hautement dissemblable des musiques. Ne pouvant utiliser la bande originale, je me contenterai d'un montage réalisé à partir d'enregistrements parus chez Naxos .
Tant qu'on y est, je suggère de pousser la démarche encore plus loin en jouant, sans transition, les mouvements 1 & 2 de la Neuvième, d'une part et les mouvements 3 & 4 d'autre part. Plaisanteries sur les tousseurs mises à part, ces transitions me paraissent s'imposer avec force à l'audition et je ne doute pas qu'un expert commandité trouverait une logique harmonique à ma proposition. Voici en guise de (dé)monstration, cette version "attacca".
Transition entre les mouvements 1 & 2 :
Transition entre les mouvements 3 et 4 :
Je précise que le procédé n'est pas généralisable à la transition entre les mouvements 2 et 3 et ce ne sont pas les musiciens de l'orchestre qui me contrediront. Par contre, il se pourrait que les solistes vocaux ne l'entendent pas de cette oreille : ils ont pris l'habitude depuis quelques années de n'entrer en scène qu'au début du quatrième mouvement et même s'ils le font sur la pointe des pieds, je trouve que cela fait désordre. Imaginerait-on les chœurs en faire autant ?
Notes ajoutées en avril 2010 : Gunther Herbig vient de diriger l'OPL dans la Septième de Beethoven et il a, sans le savoir, tenu compte de ma remarque, jouant les quatre mouvements sans la moindre interruption; une évidence absolue.