Richard Stöhr (1874-1967), de son vrai nom, Richard Stern, est né à Vienne au sein d'une famille d'intellectuels juifs, d'origine hongroise. Il a, dans un premier temps, suivi les traces de son père, Samuel Stern (1832-1889), et décroché, en 1898, un diplôme de médecine ... dont il n'a fait aucun usage. Son intérêt pour la musique, il l'a peut-être hérité de sa mère, Mathilde Porges (1828-1857), soeur d'Heinrich Porges (1837-1900), écrivain de renom, chef de choeur et critique musical auprès de la "Neue Zeitschrift für Musik" (Nouvelle revue musicale de Leipzig).
Note. Heinrich Porges a facilité l'entrée de son neveu en musique, l'introduisant, en particulier, dans le cercle gravitant autour de Gustav Mahler (1860-1911). En Histoire de la Musique, Porges est surtout connu pour avoir fréquenté assidûment Richard Wagner (1813-1883) et s'être consacré avec dévotion à la promotion de son oeuvre. Envoûté par son magnétisme, comme beaucoup d'autres à cette époque, il a ignoré l'antisémitisme primaire de son idole. A sa demande, il a rédigé "Das Bühnenfestspiel in Bayreuth : eine Studie über Richard Wagner's" (Le Festival de Bayreuth, une étude sur l'oeuvre de Richard Wagner, ouvrage traduit en anglais sous le titre plus lapidaire "Wagner, Rehearsing the Ring"). Cette publication était destinée à pérenniser les recommandations du Maître concernant la meilleure (et seule !) façon de représenter l'oeuvre de sa vie, la Tétralogie; c'était une sorte "mode d'emploi" à l'intention de tous les intervenants présents et à venir, Chefs d'orchestre, Metteurs en scène, Musiciens et Chanteurs ... mais aussi Critiques !
Son diplôme de médecine en poche, Richard Stern a pris sa destinée en main : il s'est converti au christianisme, a changé son patronyme en Stöhr et est entré à l'Académie de Musique de Vienne où il a suivi les cours de composition de Robert Fuchs (1847-1927, Symphonie n°1 & 2). D'abord assistant répétiteur, il lui a succédé comme enseignant en 1911 et parmi la longue liste de ses élèves, on note la présence des grands chefs, Erich Leinsdorf et Herbert von Karajan.
Il ne s'est pas contenté d'enseigner la théorie musicale et les techniques de composition, il a montré l'exemple dans un catalogue d'oeuvres qui commence aujourd'hui à revivre grâce au label Toccata Classics, qui explore ses oeuvres symphoniques et de chambre. On est surpris et charmé d'entendre une musique certes pas moderne pour un sou mais bien conçue et d'une inspiration qui à défaut d'être innovante n'en est pas moins sincère. La qualité des enregistrements proposés par Toccata en est témoin : on ne consacre pas autant de soin à une oeuvre qui serait dénuée de valeur.
Stöhr connaissait ses classiques : sa Symphonie n°1 (n°4 à 7) s'inscrit d'emblée dans la tradition qui va de Berlioz (Adagio religioso, 3ème mouvement) à Bruckner et Mahler (Finale Vivacissimo, 4ème mouvement). L'oeuvre a été enregistrée par le Sinfonia Varsovia (Dir. Ian Hobson) dans le cadre du projet Toccata dont voici le détail actuel :
Oeuvres pour orchestre Vol. 1 : Concerto dans le style ancien (opus 68), Suite pour cordes n°2 (opus 120)
Oeuvres pour orchestre Vol. 2 : Suite pour cordes n°1, Symphonie n°1
Oeuvres pour orchestre Vol. 3 (à paraître en octobre 2024) : Per Aspera as Astra (opus 79a), Two Roads to Victory (opus 79b), Symphonie n°2 (opus 82)
Oeuvres de chambre Vol. 1 : Fantasiestucke (opus 17), Sonate pour violoncelle & piano (opus 49)
Oeuvres de chambre Vol. 2 : Trio à clavier (opus 16), 3 Songs (opus 21)
Oeuvres de chambre Vol. 3 : Sonates pour violon & piano (n°1 opus 27 et n°2 opus 62)
Oeuvres de chambre Vol. 4 : Suite pour flûte & trio à clavier (opus 76), Quatuor n°2 (opus 86), Sérénade extraite du Quatuor n°3 (opus 92)
Oeuvres de chambre & Orgue : Suite pour violon & orgue (opus 102), 5 Intermezzi pour piano & orgue (opus35), Sonate pour orgue (opus 33)
Vous trouverez d'autres enregistrements plus anciens et pas toujours professionnels ici (Optez en priorité pour les 5 Pièces pour piano, opus 23, la Sonate pour flûte, opus 61, et la Symphonie de chambre, opus 32).
Dans la liste qui précède, l'indication des numéros d'opus a son importance : en principe, les opus numérotés de 1 à 70 concernent des oeuvres composées à Vienne tandis qu'à partir de l'opus 71 il s'agit d'oeuvres composées aux USA dont la plupart sont restées inédites. Ceci mérite quelques explications.
Stöhr a en effet quitté Vienne en 1938 pour des raisons que l'on devine (l'Anschluss) et il a émigré aux USA, américanisant son nom en Stoehr. Sa réputation d'enseignant l'ayant précédé, il n'a éprouvé aucune peine à trouver un emploi de Professeur au fameux Curtis Institute of Music de Philadelphie puis, deux ans plus tard, au Saint Michael's College de Colchester, dans le Vermont. Cette fois ce sont deux compositeurs fameux qui ont suivi ses leçons : Samuel Barber et Leonard Bernstein.
Le site officiel consacré au compositeur propose, en particulier, le détail de ses oeuvres, énumérées dans l'ordre croissant des numéros d'opus. Celles qui ont été publiées portent la mention de l'éditeur et les autres sont notées Ms, comprenez "Manuscrites". Les partitions inédites (la plupart composées aux USA) ont été rassemblées à la bibliothèque du Saint Michael's College qui les a scannées afin de les rendre libres d'accès via IMSLP, la bibliothèque virtuelle internationale de partitions musicales dans le domaine public. On présume que si Toccata Classics poursuit son exploration, il devra effectuer les travaux nécessaires de consultation et d'édition. Cette remarque vaut pour 5 Symphonies (n°3 à 7) à exhumer en priorité.
Richard Stöhr est décédé à Montpelier, avec un seul "l", on est dans le Vermont pas en France, si toutefois vous suivez !