De même qu'il existe un Schtroumpf bricoleur, farceur, costaud, à lunettes, etc, on comptait, en ex-Union Soviétique, autant de Popov que de disciplines utiles à la propagande du régime : à l'époque du stalinisme, tout congrès enregistrait l'inscription automatique d'un Popov et, de fait, il a existé un Popov chimiste, physicien, ..., mais aussi peintre, clown, nageur et bien sûr, ..., musicien. Notre Popov était même parti pour briller à l'égal de son condisciple Schostakovitch, prétendaient ses supporters, emportés sans doute par un enthousiasme débordant. La différence avec son illustre collègue fut cependant réelle car, placés tous deux dans le collimateur d'un régime qui n'appréciait pas la tournure que prenaient leurs musiques, ils ont réagi très différemment. Alors que Schostakovitch est entré en résistance passive, Popov a plutôt opté pour une collaboration active, galvaudant un réel talent par toutes sortes de concessions destinées à plaire aux instances du parti unique. On peut craindre (ou espérer ?) que l'alcool dont il abusait notoirement ne fut pas étranger à cette faiblesse de caractère. Popov fut honoré du convoité Prix Staline, en 1946, soit 5 ans après Schostakovitch.
Gavriil Popov (1904-1972) a étudié au Conservatoire de Leningrad de 1922 à 1930 avec Leonid Nikolayev, Vladimir Shcherbachov et Maximilian Steinberg. Ses premières œuvres étaient particulièrement prometteuses, en particulier le Septuor (ou Symphonie de chambre) pour flûte, trompette, clarinette, basson, violon, violoncelle et contrebasse, et la Symphonie n° 1, opus 7 :
On a reproché à Popov d'avoir écrit, à partir de 1936, dans un style conventionnel : la Suite Komsonol - célébrant les bienfaits de l'électrification ! - est, de fait, l'exemple-type de l'oeuvre périssable. Cependant, évitons toute généralisation hâtive : à côté d'oeuvres sacrifiant aux diktats du régime, d'autres ont su conserver leur fierté artistique, en particulier les symphonies 3 et 6, extraites d'un ensemble qui en comporte 6 (une 7ème est resté inachevée) et les 3 concertos (un par genre, piano, violon et violoncelle).
Les symphonies n°2, n°4 et n°5 sont moins essentielles mais nullement négligeables pour autant.
En dehors des symphonies, trop peu de choses à se mettre sous la dent, sauf ce Concerto grosso ou cette belle Aria pour violoncelle & orchestre, opus 43, lyrique à souhait mais traversée de réels moments d'intranquillité.
Comme beaucoup d'autres (Schostakovitch, Prokofiev, Schnittke), Popov a écrit de nombreuses musiques de films, inconnu(e)s à l'Ouest.
On ne sait quasiment rien de la musique non symphonique de Popov. Je n'ai dégoté que ces 2 Klavierstücke de jeunesse pour piano.
Deux opéras, Le Cavalier de Fer et Le Roi Lear (Un troisième, Alexander Nevsky, est resté inachevé) existent sur papier mais aucun document sonore n'est apparemment accessible.
Popov pourrait facilement être pris comme exemple de l'artiste soviétique talentueux broyé par un régime sanguinaire. Aussi curieux que cela puisse paraître, ce ne serait pas totalement honnête pour ce dernier : malgré quantité d'excès de toutes sortes, l'ex-URSS a donné plus d'une leçon de musique au reste du monde dans ces années noires. Simplement, Popov n'était pas aussi bien armé que d'autres (Schostakovitch et Schnittke, par exemple) pour résister à la pression extérieure. La part de sa production musicale parvenue jusqu'à nous demeure cependant hautement estimable et il n'est nullement exclu que des découvertes majeures restent possibles.