Ce titre ne se réfère pas à Wolfgang Theophilus Mozart, ce serait vraiment trop simple (Amadeus n'est que la latinisation voulue par Mozart de son nom de baptême). Il se réfère plutôt à Wolfgang Erich Korngold. La photographie ci-dessous le confirme sans équivoque.
Son père, Julius Korngold (1860-1945), était le plus célèbre critique musical de l'époque depuis la mort d'Eduard Hanslick (1825-1904). Ses deux plus grands titres de gloire sont d'avoir défendu la musique de Gustav Mahler (1860-1911) à une époque où cela n'avait rien d'évident et d'avoir cru au talent musical de son fils, dès sa naissance, au point de l'avoir appelé Wolfgang.
Wolfgang Erich Korngold (1897-1957) a sans doute été le prodige musical le plus impressionnant de tous les temps. Certes, Mozart mais aussi Bruch, Mendelssohn ou Pergolèse ont fait étalage, avant lui, d'une précocité technique étonnante mais aucun n'y a associé une maturité affective comparable.
Le Trio, opus 1, composé à l'âge de 13 ans, stupéfia le public viennois de l'époque dont Arnold Schönberg. Mozart, au même âge, n'écrivait rien d'aussi profond.
La comédie, Der Ring des Polykrates, et le drame, Violanta, deux opéras en un acte, composés à l'âge de 19 ans, sont déjà des œuvres accomplies. Violanta, en particulier, montre à quel point le jeune homme était capable de sonder les passions humaines. Revoici Korngold, 11 ans plus tard mais au fond intact, dans cet autre finale, de Das Wunder der Heliane.
Toutefois, le grand chef-d'œuvre opératique de Korngold, c'est Die Tote Stadt (1920), d'après la nouvelle "Bruges-la-morte" de l'écrivain symboliste belge, Georges Rodenbach (1855-1898). C'est un des rares opéras de Korngold que l'on monte encore très régulièrement à la scène. On y trouve, entre autres, une des plus belles envolées lyriques jamais écrites, en fait, un duo pour ténor et soprano . La gravure RCA, dirigée par Erich Leinsdorf, est ancienne (1975) mais elle n'a jamais été surpassée. De toutes façons, vous n'aurez guère le choix car les enregistrements de l'opéra complet ne courent pas les rues : j'ai noté une version encore plus ancienne (1955), due à Fritz Lehmann et deux autres, plus récentes, dirigées par Donald Runnicles et Leif Segerstam.
Cette mélodie a connu un tel succès qu'elle a été extraite de son contexte sous la forme d'une page isolée intitulée Marietta's Lied. La grande soprano Renée Flemming la chante ici en récital. Je ne sais trop pourquoi, cette mélodie me fait invariablement penser à l'Air à la Lune extrait de l'opéra Rusalka de Dvorak.
Korngold va très vite enchaîner les chefs-d'œuvre. Le site jpc n'est pas avare de références et vous pourrez y piocher à votre aise. Voici quelques suggestions à peine nécessaires tellement le déchet est rare :
En 1934, Korngold s'est, en effet, laissé tenter par l'aventure Hollywoodienne, à l'invitation du cinéaste, Max Reinhardt : celui-ci lui a proposé d'arranger, à sa sauce, la bande sonore de son film A Midsummer Night's Dream, à partir de la musique éponyme, écrite en 1843 par Félix Mendelssohn. Le résultat sonore est remarquable et comparer l'original à son adaptation est un plaisir de tous les instants.
Le musicien pensait désormais faire la navette entre Vienne et Hollywood mais l'Anschluss de 1938 en décida autrement. Par bonheur, Korngold, qui était de confession juive, se trouvait sur le bon continent, au bon moment. D'autres n'eurent pas cette chance. Prenant son mal du pays en patience, il travailla pour les studios d'Hollywood où il fit de l'excellent travail. Mettant ses compétences orchestrales au service de la musique de film, il lui donna ses premières lettres de noblesse en créant un "son" qui eu le bonheur de plaire. Robin Wood et The Sea Hawk comptent parmi ses partitions les plus réussies. D'autres compositeurs suivront ses traces, tel Bernard Hermann (1911-1975) dans "Citizen Kane" ou "La splendeur des Amberson", deux films d'Orson Welles, connus des cinéphiles.
On ne peut pas dire que Korngold ait été fondamentalement heureux de n'être apprécié outre-Atlantique que pour sa musique de film. Ecrire pour le cinéma peut être une source non négligeable de revenus et plus d'un compositeur (Prokofiev, Schostakovitch, Schnittke, Glass, Williams, …) s'est laissé tenter mais aucun n'a souhaité rester prisonnier du genre.
Afin de se donner l'illusion qu'il ne perdait pas son temps, Korngold réutilisait souvent le matériau thématique de ses musiques de films dans des œuvres plus ambitieuses qu'il réservait pour des jours meilleurs. C'est ainsi que le Concerto pour violon, opus 35, puisait dans la musique composée pour quatre films bien oubliés aujourd'hui, "Another Dawn", "Juarez", "Anthony Adverse" et "The Prince and the Pauper".
Korngold ne reviendra au pays qu'en 1949. Par malheur, les Viennois l'avaient oublié : le grand chef Wilhelm Furtwängler tenta bien de relancer sa carrière en dirigeant sa Symphonic Sérénade, opus 39, mais la musique ne rencontra plus le succès espéré. On lui reprocha, en particulier, de ne pas avoir évolué depuis ses débuts d'adolescent génial. C'était un reproche plutôt stupide : le grand Bach a composé toute sa vie sans vraiment changer sa façon d'écrire et il ne s'est jamais trouvé personne pour le critiquer (Il est, en effet, très difficile de dater "à l'oreille" une œuvre de JSB).
Les vraies raisons se situent ailleurs. Vienne mais aussi Paris ou Berlin étaient aux mains de critiques qui, confondant musique et politique, voulaient en finir avec toute musique qui, stylistiquement parlant, "aurait" pu plaire au Führer et à sa clique (conditionnel de rigueur car, pour Hitler, toute musique était toujours trop moderne, de plus Korngold était juif !). Le mot d'ordre était qu'il n'y avait désormais de salut public que dans le cadre strictement dodécaphonique de la seconde école de Vienne représentée par sa trinité : Schönberg-Berg-Webern (et encore, plutôt l'ascète Webern que le postromantique Schönberg tant, à cette époque déboussolée, on n'était pas avare d'anathèmes).
Dans ce contexte nouveau, la musique de Korngold sonnait en décalage permanent avec son temps. Le compositeur a espéré, jusqu'au bout, récupérer les faveurs de la critique ou à tout le moins, celles du public grâce à ses dernières œuvres dont une belle Symphonie, opus 40, mais rien n'y fit, son heure semblait révolue.
Il décéda à Hollywood le 29 novembre 1957, tristement convaincu d'avoir été oublié de tous. Il se consolera peut-être d'apprendre, là où il repose, qu'il ne fut pas la seule victime d'une période noire de l'histoire : ses valeureux collègues, Pfizner, Schreker et Busoni passèrent à la même trappe que lui, sans compter ceux qui y perdirent la vie. L'oubli n'est d'ailleurs pas total puisque des admirateurs entretiennent un site web à sa mémoire.
Il eut été inconcevable qu'une musique de cette qualité puisse disparaître avec les illusions de son auteur. Le disque a, de fait, réparé cette injustice mais le concert est hélas encore bien loin du compte.