Gerald Finzi (1901-1956) fut un compositeur britannique, la photographie ci-contre laisse peu de doute à ce sujet, prise par le renommé portraitiste (et claveciniste), Herbert Lambert. Celui-ci reçut en retour la dédicace de l'Interlude, opus 21, pour hautbois & quatuor (transcrit ici pour hautbois & piano).
Finzi était pourtant né d'un père Italien et d'une mère Allemande, tous deux de confession juive, un héritage dont il ne s'encombra pas. Au contraire, son assimilation à la culture anglaise, littéraire, musicale et même pomologique, fut remarquablement profonde :
Finzi fut bien trop jeune confronté à la mort, perdant en peu de temps son père puis ses trois frères. Devenu adulte, il réagit en écrivant une musique introvertie quoique jamais morbide, seule capable à ses yeux de traduire son pacifisme militant (Farewell to Arms) et la nostalgie de l'innocence perdue de l'enfance (Intimations of Immortality). Son style élégiaque, immédiatement reconnaissable, a peu évolué au fil du temps et, de fait, le climat de l'andante de son Concerto pour violoncelle, son dernier opus, est conforme à celui qui baigne l'ensemble de son oeuvre.
Bien que l'expression du sentiment joyeux n'ait pas prioritairement baigné ses oeuvres, quelques-unes se sont démarquées du climat automnal : écoutez, par exemple, l'exultant God is Gone Up et le radieux finale du Concerto pour clarinette.
Stylistiquement, la musique de Finzi est demeurée foncièrement tonale, issue des modèles de ses aînés, Ralph Vaughan Williams (1872-1958) et Gustav Holst (1874-1934) qu'il a cependant surpassés par la grâce d'une inspiration noble et sincère forçant l'admiration de l'auditeur attentif.
Les premiers pas de Finzi furent incertains et le musicien, perfectionniste, n'a pas souhaité inclure au catalogue trois oeuvres de jeunesse qui ont pourtant survécu : le Requiem da Camera est une oeuvre inachevée écrite à la mémoire de son professeur, Ernest Farrer, mort au combat en 1918. L'oeuvre a été complétée par Philip Thomas, en 1984, et elle a fait l'objet d'un enregistrement Chandos, sous la direction de Richard Hickox. A la même époque, il a écrit un Concerto pour Sybil Eaton, une violoniste dont il s'était vainement épris, mais insatisfait des mouvements extrêmes (Hornpipe final), il l'a retiré du catalogue peu après sa création. Seul le mouvement lent central, rebaptisé Introit, opus 6, conserva grâce à ses oreilles. La postérité n'a pas tenu compte de sa sanction et le label Chandos, encore lui, a recollé les morceaux en publiant un enregistrement d'autant plus indispensable qu'il propose des compléments inédits particulièrement bienvenus, en particulier le cycle "In Years defaced".
Sans surprise, eu égard aux goûts littéraires du musicien, la musique vocale occupe la place de choix dans son catalogue officiel. De fait, peu de musiciens peuvent se targuer d'avoir servi la langue anglaise, confiée au choeur ou à la voix soliste, avec ou sans accompagnement (piano, orgue, cordes ou orchestre). Les meilleurs chanteurs autochtones, Ian Partridge, Philip Landridge, John Mark Ainsley, Benjamin Luxon, Robert Tear, ..., ont consacré quelques beaux enregistrements à l'oeuvre vocale de Finzi.
Les cycles de mélodies suivants ont été rassemblés sur un double CD paru chez Lyrita : Before and after Summer (10 songs opus 16), Till Earth outwears (7 songs opus 19a), I said to love (6 songs opus 19b), Earth and Air and Rain (10 songs opus 15) et A Young Man's Exhortation (10 songs opus 14, Song 1, Song 7).
En poursuivant votre exploration, par exemple ici, vous découvrirez d'autres cycles : By Footpath and Stile (6 songs opus 2, The Oxen), 2 Sonnets d'après John Milton (opus 12, When I Consider How My Light Is Spent), To a Poet (6 songs opus 13a, To a Poet a Thousand Years hence) et Of Fair to See (7 songs opus 13b, Since we loved).
Lo, the full, final Sacrifice, opus 26, est une oeuvre passionnante, pour choeur & orgue, sur un texte de Richard Crashaw. Elle propose, en un peu moins d'un quart d'heure, quantité d'épisodes contrastés, confiés à l'orgue, aux soli ou au choeur a capella. C'est une oeuvre à découvrir pour les beautés qui y abondent et dont voici, pour les plus pressés, un fondu-enchaîné , réalisé à partir de l'enregistrement Naxos (Si pressés que vous soyez, ne manquez pas, tout à la fin, en 4:03, l'extatique Amen, l'un des plus courts certes mais aussi les purs jamais écrits).
L'enregistrement Naxos ci-contre devrait satisfaire tout le monde, d'autant qu'il propose des compléments de choix dont le Magnificat, opus 36, et les plus rares 7 Unaccompanied Partsongs, opus 17.
D'autres cycles a priori plus ambitieux ont associé un orchestre plus ou moins étoffé à la voix. Ils constituent la partie la plus en vue de son oeuvre vocale :
L'oeuvre pour (plus ou moins grand) orchestre propose essentiellement des oeuvres concertantes abouties :
On mentionnera encore en vrac : A Severn Rhapsody, opus 3, pour orchestre de chambre; Nocturne, opus 7, pour orchestre; Romance, opus 11, pour cordes; The Fall of the Leaf , opus 20, pour orchestre; Prélude, opus 25, pour cordes et, en mention spéciale, Love's Labours Lost, musique de scène en dix épisodes, opus 28, d'après Shakespeare, dont on extrait parfois les 3 Soliloques.
L'oeuvre de chambre est étrangement peu présente, se réduisant à l'Interlude, pour hautbois & quatuor, opus 21, déjà mentionné, à l'Elégie, pour violon & piano, opus 22, et aux 5 Bagatelles, pour clarinette & piano, opus 23. Un Prélude et Fugue, opus 24, pour trio à cordes existe mais je n'en trouve plus trace.
Finzi est mort prématurément des suites de la maladie de Hodgkin. Ses deux fils, interprètes musiciens, Christopher (Chef) et Nigel (violoniste) contribuèrent à entretenir l'intérêt pour cette musique que d'autres trouvaient démodées. Certes elle ne fut jamais moderne à une époque où elle aurait pu l'être mais elle a clairement dépassé ce type de clivage tant elle a cumulé, comme peu d'autres et avec constance, les vertus de retenue, de charme et de distinction. Le public continental découvrirait certainement cette musique avec plaisir si seulement les salles de concerts lui réservaient la place qu'elle mérite.