Si vous cherchez un menu original pour vos écoutes musicales, j'ai ce qu'il vous faut : Eduard Franck (1817-1893), un compositeur rarement entendu et encore moins programmé au concert alors qu'il a dit de si belles choses ! Certes, sa musique - on ne peut plus romantique - n'est pas destinée à surprendre vos oreilles mais tout simplement, les charmer par une qualité d'écriture peu commune.
Mille fois moins connue que celle, contemporaine, de Robert Schumann (1810-1856) ou de Félix Mendelssohn (1809-1847), la musique d'Eduard Franck mérite pourtant de revivre. Wilhelm Altmann (1862-1951), un des critiques musicaux les plus avisés du 20ème siècle, s'était déjà prononcé en ce sens mais force est de reconnaître qu'il n'a guère été écouté et il m'étonnerait que les choses bougent encore de ce côté. Il paraît, dès lors, opportun de frapper, à nouveau, sur le clou d'autant que quelques illustrations sonores sont disponibles et de nature à vous convaincre.
Contemporain exact de son homonyme belge, César Franck (1822-1890), Eduard est Allemand, né dans un cercle familial fortuné où l'on invitait couramment le poète Heinrich Heine, le naturaliste Alexander von Humboldt ou les musiciens Alfred Heller, Félix Mendelssohn et Richard Wagner. C'est d'ailleurs auprès de Mendelssohn que Franck a fait ses études, avant de devenir lui-même un professeur éminemment respecté. Il est possible que ses fonctions pédagogiques aient entravé sa reconnaissance en tant que compositeur d'autant que jamais satisfait de ses partitions, il en retardait continuellement la publication.
Les rares professionnels de la musique qui ont fait l'effort de s'intéresser à l'œuvre de Franck sont unanimes à louer l'extrême qualité de sa musique de chambre : des sonates pour violon & piano, deux sextuors (opus 41 & 50) ne pâlissant pas face à ceux de Johannes Brahms (1833-1897), des quintettes, des quatuors (opus 49, 54 & 55) et des trios (opus 11 & 58) en sont la preuve tangible. Voici, à titre d'exemples, les débuts des Sextuors, opus 41 & opus 50 et du Troisième Quatuor, opus 55 .
Grâce soit rendue aux éditions Silvertrust, une des rares maisons à s'être penchée sur cette musique et au label Audite qui en a assuré une diffusion hélas confidentielle.
La musique symphonique de Franck est, sans doute, plus conventionnelle, ce qui ne l'empêche pas de réserver de belles surprises, dignes de celles que l'on découvre dans l'œuvre de musiciens beaucoup mieux traités par le cours de l'Histoire, tel le Suédois Franz Berwald (1796-1868). Ecoutez des extraits de son Concerto pour violon, opus 30, accompagné sur ce CD de la Symphonie opus 47. Un autre CD est disponible, dans la même collection, reprenant le Concerto, opus 57, et la Symphonie, opus 52.
Qu'est-ce qui a bien pu valoir à Eduard Franck d'être oublié à ce point ? Sa musique est généreuse, trop immédiatement généreuse peut-être : elle donne tout de suite ce qu'elle possède. Le 19ème siècle - singulièrement sous la poussée des derniers quatuors de Beethoven - a appris aux mélomanes à devenir exigeants quant aux trésors que toute musique se doit de posséder, en réserve, pour des écoutes ultérieures.
A sa décharge, on répétera que Franck n'a assurément pas été seul à négliger ce précepte : on trouvera, au fil de ces chroniques, d'autres musiciens dans ce cas.
Eduard Franck est le père de Richard Franck (1858-1938), un musicien également méconnu … mais on ne criera pas, cette fois, à l'injustice, sa musique ne suscitant guère la même admiration. Si en chimie, rien ne se perd et rien ne se crée, il n'en va pas de même en musique ! Voici néanmoins, à titre d'illustration, de courts extraits de sa Sonate pour violoncelle et piano opus 22.