Interprètes actuels

Un pianiste indispensable : Marc-André Hamelin

Ce ne sont pas les pianistes passionnants qui manquent, aussi nombreux de nos jours que par le passé. J'aime la profondeur avec laquelle Grigory Sokolov (1950- ) anime une sonate de jeunesse de Beethoven, la fantaisie que Fazil Say (1970- ) déploie dans des sonates de Haydn ou la perfection technique étalée par l'extraverti - donc controversé - Lang-Lang (1982- ). Vous modifierez et compléterez cette liste subjective en fonction de vos affinités personnelles.

Marc-André Hamelin
Marc-André Hamelin

En revanche vous ne changerez rien au fait que le pianiste québécois, Marc-André Hamelin (1961- ), apparaisse, entre tous, comme le plus utile à son art. J'ai déjà qualifié ainsi le violoniste Gidon Kremer et quasiment pour les mêmes raisons : l'un et l'autre possèdent un répertoire colossal qui présuppose des capacités de déchiffrement hors du commun. Qui plus est, ils l'orientent résolument vers des partitions peu jouées mais pleines d'intérêt ou vers des créations contemporaines.

Hamelin joue du piano depuis l'âge de cinq ans. La notoriété toute relative dont il jouit actuellement ne doit pas grand-chose aux lauriers qu'il y a recueillis dans les concours internationaux, d'ailleurs peu prestigieux, auxquels il a participé. C'est son toucher exceptionnel, allié à un goût très sûr pour les oeuvres qu'il étudie, qui en ont fait, non une star, mais un artiste au sens le plus noble du terme.

Entendu qu'il ne donne, en moyenne, que 60 concerts par an, vous ferez probablement sa connaissance grâce au CD. L'essentiel de ses enregistrements ont paru chez Hyperion et vous en trouverez une liste, tenue à jour, sur le site de l'artiste. Saisissons l'occasion de passer en revue quelques perles rares, pour clavier, qui ne dépareront pas votre CD-thèque (le début de chaque plage est écoutable) :

  • Charles-Valentin Alkan (1813-1888) : Concerto, opus 39, pour piano solo. Cette oeuvre n'a de concerto que le nom car il s'agit d'une sonate aux vastes proportions.
  • Isaac Albéniz (1860-1909) : Iberia, opus 39, une oeuvre plus ou moins connue qui reçoit ici une interprétation superlative.
  • Georgy Catoire (1861-1926) : Pièces diverses pour piano solo, d'un compositeur fort peu connu, russe d'origine française.
  • Paul Dukas (1865-1935) : Sonate en mi bémol mineur. Cette oeuvre monumentale (45 minutes) vous rappelle aimablement que Dukas n'a pas écrit que l'Apprenti sorcier. Perfectionniste, le compositeur a détruit un grand nombre de partitions (in)achevées dans les années 1920. Quel gâchis !
  • Leopold Godowsky (1870-1938) : Sonate en mi mineur, l'oeuvre majeure d'un musicien qui s'est surtout illustré dans l'art de la transcription virtuose. Ne passez pas davantage à côté de cet autre album, proposant les Etudes sur les Etudes (sic) de Chopin.
  • Alexandre Scriabine (1872-1915) : L'intégrale des sonates,en 2 CD.
  • Max Reger (1873-1916) : Variations & Fugue sur des thèmes de JS Bach (opus 81) et de Telemann (opus 134).
  • Charles Ives (1874-1954) : Concord Sonata en mi bémol mineur. Encore une oeuvre colossale dont les difficultés technique et musicale découragent maints pianistes.
  • Nikolai Medtner (1880-1951) : L'intégrale des sonates, en 4 CD.
  • Nikolai Roslavets (1881-1944) : Sonates 1, 2 & 5, oeuvres d'un musicien injustement oublié, parmi les plus novateurs que l'ex-URSS ait connus.
  • Karol Szymanowski (1882-1937) : 20 Mazurkas, opus 50.
  • Leo Ornstein (1893-2002) : Sonate n°8, écrite en 1990, faites le compte, Ornstein avait 97 ans et il lui en restait encore 12 à vivre ! Il vécut tellement longtemps qu'il trouva le moyen de voir son oeuvre tomber dans l'oubli puis de ressusciter, en particulier grâce à Hamelin.
  • Sophie-Carmen Eckhardt-Gramatte
    Sophie Eckhardt-Gramatte
    Sophie-Carmen Eckhardt-Gramatte (1892-2002) : L'intégrale des 6 sonates, en 2 CD. Cette musicienne russo-canadienne doit impérativement être (re)découverte, malheureusement, mis à part les Caprices pour violon solo, édités chez Analekta, les enregistrements sont difficiles d'accès. Née Fridman-Kochevskaya, le nom composé sous lequel elle est connue, résulte de deux mariages, dont le premier avec le peintre Walter Gramatte, qui l'a peinte comme représenté ci-contre. Veuve, elle a ensuite épousé l'historien, Ferdinand Eckhardt.

Rayon contemporain, ne passez pas à côté des oeuvres de trois septuagénaires, toujours en vie :

  • Nikolai Kapustin (1937- ) : Sonate n°6, d'un des rares musiciens de l'ex-URSS à s'être inspiré des techniques jazzistiques.
  • William Bolcom (1938- ) : 12 Etudes, issues de la plume d'un compositeur essentiellement apprécié outre Atlantique.
  • Frederic Rzewski (1938- ) : 36 Variations sur un Air chilien, un must que j'ai fréquemment cité dans ces chroniques.

Marc-André Hamelin a également enregistré plusieurs concertos plus ou moins méconnus : Joseph Marx (1882-1964), Rodion Shchedrin (1932- ), Charles-Valentin Alkan (1813-1888) et surtout Ferruccio Busoni (1866-1924), que vous trouverez dans la collection Grands Concertos romantiques, éditée par Hyperion. Le Concerto de Busoni doit impérativement se trouver en bonne place sur vos étagères.

Marc-André Hamelin a composé et enregistré (toujours chez Hyperion) un cycle de 12 Etudes dans tous les tons mineurs, d'après quelques grands maîtres du passé (Chopin, Scarlatti, Alkan, Tchaïkovsky, etc). Voici la n°8, d'après Schubert.

On le voit, l'activité de cet artiste est phénoménale et c'est sans compter le répertoire classique qu'il joue de plus en plus, ayant provisoirement fait le tour des sentiers non battus. C'est ainsi qu'il se lance dans une intégrale des Sonates de Haydn qui s'annonce comme l'une des meilleures. Quant à ses Etudes Paganini de Franz Liszt, elles sont tout simplement éblouissantes.